Baguette Leclerc et “baguette Macron” [par Jean-Paul Pelras]

Tiens, Leclerc vend la baguette de pain 0,29 euros ! Qui peut encore être surpris par ce genre d’annonce, tant le distributeur nous a habitué, depuis des décennies, à ses coups de “com” retentissants ? Et ce avec, en tête de gondole, le prétexte du pouvoir d’achat brandi pour quelques produits d’appel, souvent alimentaires, qui font vendre tous les autres. Car, bien sûr, on ne va pas au supermarché comme on va à la boulangerie, pour acheter uniquement une baguette, qu’elle soit ou non vendue 0,29 euros.

Leclerc, comme la plupart de ses concurrents, compresse les prix en imposant à ses fournisseurs des négociations de plus en plus contraignantes. Dans un contexte où le coût des matières premières explose, nous pouvons nous demander où vont s’arrêter les pressions et jusqu’à quand le secteur agroalimentaire va-t-il les supporter ? Autre interrogation, si Leclerc dit vouloir se conformer à la Loi Egalim et tenir compte des hausses du cours des céréales en sanctuarisant les prix agricoles, où se situe sa marge aussi minime ou inexistante soit elle ? Sont alors évoqués en vrac, la qualité de la farine, le volume de vente, des sacrifices sur les bénéfices…

Mais au bout du compte, l’histoire de cette baguette n’est-elle pas celle d’une époque d’où l’échelle des valeurs a complètement disparu. Dans les années 50, 45 % du budget des ménages était consacré à l’alimentation, ce budget n’est plus que de 14 % aujourd’hui. Il équivaut à celui qui est réservé aux technologies de la communication. Autrement dit, nous dépensons autant pour téléphoner ou nous transporter sur Internet que pour nous nourrir ! Avec, de surcroit, un modus vivendi qui laisse peu de temps pour éplucher les légumes, surveiller les casseroles, plumer la pintade, mitonner une daube ou préparer les profiteroles.

De l’hypermarché à la superette, les grandes enseignes de la distribution ont progressivement fait disparaître le commerce traditionnel, qu’il soit urbain ou rural, avec leurs emplacements idéalement situés, leurs parkings gratuits, leurs matraquages publicitaires, leurs prix bradés, leurs galeries marchandes, leurs horaires d’ouverture, leurs tickets de réduction et tout ce que le Cidunati de Gerard Nicoud avait, en son temps, osé dénoncer…

Et puis est arrivée la Loi Egalim. Le gadget qui devait tout solutionner. Souvenez-vous, en novembre 2020, trente syndicats et associations s’aperçoivent que cette Loi Alimentation est un échec. Un échec parce que “le revenu paysan n’est toujours pas revalorisé”. Il ne fallait pourtant pas être grand clerc pour prédire le résultat d’une consultation où, dès le début des travaux, certains ateliers étaient présidés par le directeur des produits frais Danone et par le PDG de Système U. Car, en définitive, que fallait-il voir derrière cette “expérimentation” qui prônait, par exemple, le relèvement de 10 % du seuil de revente à perte ? Si ce n’est une manière de conforter la marge des distributeurs. Lesquels reconnaissaient à l’époque “la main sur le cœur” que la guerre des prix n’avait que trop duré. Des prix qui devaient être calculés en fonction des coûts de production avec cette énième interrogation : qui allait tenir la calculette ? En substance, à peu près tous les opérateurs sauf les premiers intéressés.
Beaucoup de tergiversations pour un projet mal préparé qui, de surcroît, ne tenait pas compte des réels problèmes rencontrés par l’agriculture française. Cette agriculture qui doit faire face à une déferlante de normes administratives et environnementales. Cette agriculture qui n’obtiendra, avec la Loi Egalim, tout simplement car la question ne figurait pas au programme, aucune réponse concrète aux distorsions de charges intra-européennes, premières responsables de la déprise champêtre sur le sol français. Une loi qui n’en est pas une, car elle entend suggérer sans imposer une conduite aux distributeurs.

Comment peut-il en être autrement dans un pays où les grandes surfaces jugulent l’inflation ? Ce qui, en autorisant un certain pouvoir d’achat, permet de désamorcer les tensions sociales et sert la conscience des gouvernements successifs depuis trois décennies.
En 2018, le président de la République déclarait aux représentants des boulangers, reçus à l’Élysée lors de la traditionnelle galette des rois, que la baguette devait être inscrite au Patrimoine mondial de l’Humanité. Quatre ans après “Que reste-t-il de nos amours ?”. Le prix low-cost de la baguette Leclerc pouvant être considéré comme étant celui de la “baguette Macron” au pays où l’on brade les symboles alimentaires pour nous faire oublier qu’inflation est en train de rimer très dangereusement avec élections !

Une réflexion sur “Baguette Leclerc et “baguette Macron” [par Jean-Paul Pelras]

  • 28 janvier 2022 à 4 h 31 min
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    baguette à 29 centimes d’euro et pourquoi pas à 25 !
    monsieur LECLERC devrait nous “décortiquer” le prix de vente de sa baquette.
    il baisse le prix quant les prix du blé augmente et il va le monter quand les prix du blé aura baisser.
    incompréhensible!
    un producteur cerealier bio de l’Aude

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