6 ans, 2 mois et 18 jours [par Jean-Paul Pelras]

Confrontée à une forme d’immobilisme, la France, invitée par son hyperprésident à faire preuve de résilience, est devenue la patrie de la résignation.
Depuis 2017 et l’arrivée de Macron à l’Élysée, nous avons vu s’effondrer une Droite et une Gauche modérées. Ce qui précipita le déclin des contrepouvoirs acceptables, historiques, rassurants et, en quelque sorte, familiers. Par voie de conséquence, nous avons assisté à la progression des extrêmes et à l’avènement d’un mouvement écolo-féministe, voire wokiste et activiste dont l’absurdité et l’incurie dépassent l’entendement.
Le pied dans la porte, la Macronie s’est, depuis, durablement installée dans son entre-soi indéboulonnable. De Bruno Le Maire, qui entretient le déni concernant notre déclin économique et vient d’inviter la Chine à davantage investir sur le sol français, à Dupond Moretti, ministre de la Justice, dont le renvoi en procès pour prise illégale d’intérêts vient d’être confirmé par la Cour de cassation, nombreux sont les “choisis” qui malgré “les affaires” ou les atermoiements sont encore de faction.

Et puis, il y a ceux qui arrivent, comme Aurore Berger, certainement adoubée pour avoir été l’intraitable passionaria de la réforme des retraites, ceux qui montent, comme Gabriel Attal, auprès de qui certains semblent déceler une portion consubstantielle de génie politique, ceux qui partent, comme Pap Ndiaye, in petto recasé ambassadeur au Conseil de l’Europe. Et, comme lui, de Sibeth Ndiaye à Agnès Buzyn, en passant par Jean Castex, Emmanuelle Wargon, Christophe Castaner, Brigitte Bourguignon, Richard Ferrand et autres Jacqueline Gourault, ou Jacques Mézard, ceux qui n’ont même pas eu à traverser la rue pour trouver un boulot, ceux dont l’indemnité n’a, bien sûr, pas grand-chose à voir avec celui qui trime en plein soleil ou dans le froid à longueur de journée.
Et puis, il y a ceux qui ont eu, comme certains cités précédemment, des démêlés avec la justice : Darmanin, Bayrou, Nyssen, Flessel, Pénicaud, Griset, Lecornu, Dussopt… Ou encore Alexis Kohler, secrétaire général de la présidence, en poste depuis le début du premier quinquennat Macron.

Dans le déni et la désillusion

En 6 ans, 2 mois et 18 jours (au jeudi 3 août 2023) la France a vu défiler des rappeurs en bas résille dans les salons de l’Élysée, un président tactile avec des jeunes gens dépoitraillés, un barbouze recruté pour assurer sa garde rapprochée et, entre autres roulés-boulés, ceux de Mac Fly et Carlito venus distribuer leurs gages sur le gazon officiel alors que, non loin de là, une femme d’affaire sulfureuse posait pour la photo derrière le bureau présidentiel.
Nous avons écouté sagement Salomon (un temps inquiété par la justice puis promu à l’Organisation mondiale de la santé) et Delfraissy, élevé au grade de commandeur de la Légion d’honneur alors que Buzyn se voyait attribuer le hochet de chevalier à l’instar de De Rugy, inconditionnel, comme chacun le sait, de quelques coûteux crustacés.

Nous avons ainsi évolué de résiliation imposée en résignation subie, entre attestations de sorties dument remplies par ceux qui devaient les présenter, débats citoyens, états généraux et 49-3 en rafales, vers l’instauration d’une politique qui consultait sans écouter, interdisait sans obliger. Avec, cerise sur le gâteau, une réforme des retraites bâclée où le dialogue social fut invité à repasser. Autrement dit, à disparaître à jamais dans les limbes d’une contestation avortée, médusée, ignorée, méprisée.

6 ans, deux mois et 18 jours pendant lesquels le pays a sombré dans l’inflation alors que le conflit russo-ukrainien servait de prétexte à toutes les spéculations. 6 ans, deux mois et 18 jours à regarder sourdre, se propager et se consumer les incendies sur un front social où, là encore, les solutions finissent par se diluer dans le déni et la désillusion.
6 ans, 2 mois, 18 jours et une question. Comment Emmanuel Macron va-t-il faire pour tenir jusqu’en 2027 avec, sur ses épaules, la somme des contradictions qui lui sont reprochées pour une politique conduite à la hussarde et désapprouvée par une majorité de Français ?
La réponse est hélas assez simple : parce qu’il est parvenu à juguler notre capacité d’indignation, comme si de rien n’était, il va continuer !

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