1997 : “Oui” au Plan Rivesaltes ! (par Thierry Masdéu)

Dans les années 1987 et 1988 les “vins doux naturels” comme les AOC “Rivesaltes” ou “Grand Roussillon” ont vu leur côte de popularité décliner sur les marchés, notamment à cause de l’agressivité commerciale des Portos. Pour faire face à cette crise, un plan Marshall élaboré en 1996 par le syndicat du Cru Rivesaltes et le Syndicat des Vignerons, bénéficie du soutien total de l’ensemble des syndicats viticoles des P.-O. et des institutions publiques (État, Conseil Général des P.-O. et Région Languedoc Roussillon).

C’est le fameux “Plan Rivesaltes” qui permettra, sur 5 ans, la mise en place d’actions visant à remédier à la crise structurelle dont pâtit cette filière viticole. Après une campagne d’information mise en place au printemps 1996, le Plan entre officiellement en application à la mi-juillet. Reconnu comme une opération exemplaire, ce projet, qui repose sur le volontariat, est doté de 2 volets : la production et la commercialisation. Tout d’abord, les aides à la production se déclinent par une “prime de gel” financée par une cotisation interprofessionnelle, puis par une aide de reconversion à l’hectare pour l’arrachage et replantation d’autres variétés viticoles qualitatives. L’objectif : remplacer une partie de la production des “vins doux naturels”. Cette “aide à l’hectare”, qui couvrira partiellement les coûts de la reconversion, sera financée par le budget de l’État et celui des collectivités locales. Quant au volet de l’aide à la commercialisation, financé en partie par la cotisation volontaire obligatoire et par une taxe parafiscale d’État, il a pour but de stabiliser le marché du “Rivesaltes” autour de 35 millions de bouteilles et d’améliorer l’image du produit par un meilleur positionnement et une meilleure visibilité sur le marché. Plus de 90 % des viticulteurs producteurs de Rivesaltes adhèreront et respecteront ce “Plan”. Mais, en début d’année 97, un négociant et quelques producteurs contestent, critiquent ces mesures et commercialisent des vins de la récolte 96 en AOC, bousculant ainsi les clauses du contrat établies par le “Plan”.
Craignant pour sa pérennité, des organisations viticoles roussillonnaises et les syndicats FDSEA et CDJA appellent les vignerons à une grande mobilisation à Perpignan. Ils souhaitent démontrer aux pouvoirs publics leur attachement à ce “Plan” et demandent que les récalcitrants soient sanctionnés.

 

Roger, Guallar, Passama, Malet, Pujol, Ulrich…

Nous sommes le mardi 17 juin 1997, le rendez-vous est donné sur le parking de la Maison de l’Agriculture où sont présents 1 200 participants, en majeure partie producteurs de “vins doux naturels”. Arborant tous, côté cœur, un adhésif de couleur jaune avec le slogan de la manifestation “Oui au plan Rivesaltes”, ils assistent attentifs aux allocutions des représentants viticoles. Comme le relatait un article de l’Agri nº 2561 du 26 juin 1997, le président du Syndicat des vignerons, Jean Roger, donnait le ton : “L’ensemble de la filière s’est engagée l’année dernière autour du Plan Rivesaltes. Projet ambitieux et dynamique, envié par d’autres régions viticoles, essentiel pour l’avenir de la viticulture départementale. Ce plan nous le portons tous et nous le défendrons bec et ongle, contre ces gens qui trichent, fraudent et se mettent hors la loi !” À son tour, le président de la commission vin, Olivier Banyuls, fît passer ce message : “Les jeunes agriculteurs n’acceptent pas que quelques irresponsables menacent leur avenir”. Depuis Paris, le président du CDJA, Jean-Paul Pelras, annonce le soutien du CNJA et de sa présidente Christiane Lambert. Pour le secrétaire général de la FDSEA, Michel Guallar, la présence massive des vignerons à ce rassemblement démontre la détermination des producteurs à faire reconnaître le bien-fondé des revendications : “Notre action est légitime, ceux qui ont fraudé doivent être sanctionnés !” Il rappelle que le préfet, Bernard Bonnet, s’était déjà engagé à faire respecter la loi. Pour leur part, les vignerons en caves particulières fondèrent aussi beaucoup d’espoir dans ce “Plan Rivesaltes” et leur secrétaire général, Hervé Passama, n’hésita pas, dans son discours, à faire une piqûre de rappel à l’encontre des initiatives aventureuses de certains : “Le Plan Rivesaltes est un contrat, ses clauses et conditions nous les avons acceptées et soutenues, parfois en serrant les dents. Alors nous n’imaginons pas aujourd’hui revenir en arrière et n’admettrons pas que la signature, et donc l’honneur de la quasi totalité des producteurs, soit bafoué !”

Sortir de la crise

Quant à Louis Malet, président des Vignerons coopérateurs du Roussillon, il souligna qu’ils acceptaient les oppositions, mais s’opposaient aussi à ceux qui enfreignaient la loi, souhaitant que le “Plan” véhicule une nouvelle approche sur la commercialisation : “Nous voyons, dans le Plan Rivesaltes, l’engagement d’un nouveau processus mais il faudra aussi bâtir une façon de commercialiser en mettant en place un regroupement d’une offre efficace”. Pour mémoire, le président de la Confédération nationale des VDN et AOC, Jean-Luc Pujol, rappela que le “Rivesaltes” était un grand produit qui a fait la richesse des P.-O. et que, pour sortir des difficultés, le “Plan” est la meilleure alternative : “On a choisi de sortir de la crise en douceur. Le Plan Rivesaltes, dans sa première partie, est une adaptation de la structure des exploitations, indispensable pour le maintien du marché, puis sa reconquête dans un deuxième temps”. Enfin, pour clore les allocutions, Armand Ulrich, président du syndicat de défense du Cru Rivesaltes qui affichait un sourire de soulagement, témoigna sa reconnaissance face à la réponse massive et à l’adhésion de la profession : “Il y a 5 ans, beaucoup ici pensaient que les VDN étaient perdus ! Nous faisons et nous ferons ce que nous devons faire pour défendre notre production, mais il faut que chacun soit mis devant ses responsabilités, à commencer par ceux qui ne veulent pas payer les cotisations pour le Plan Rivesaltes”. À l’issue de ces discours, un très long cortège de manifestants, accompagné de tracteurs et de bennes chargées de souches prit la direction de la préfecture et du Conseil Général. Dans une attitude relativement bon enfant, les vignerons ont délivré une motion au préfet ainsi que la cargaison des bennes devant les portes des deux institutions. Aux termes de cette action, les manifestants ont obtenu gain de cause et notamment la garantie que les producteurs récalcitrants feront l’objet d’une procédure au tribunal correctionnel.

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