Reconversion : ils brassent au pied du Cambre d’Aze [par Yann Kerveno]

La crise de la Covid a mis leur activité économique d’hébergement touristique et de guides à l’arrêt. Alors ils ont occupé leur temps et créé la brasserie du Mouli à Saint-Pierre dels Forcats. Et envisagent de changer de carrière.

Quand nous avions rencontré Ian et Angela Pendry l’année dernière, nous étions alors en plein confinement. Vous vous souvenez peut-être qu’ils nous avaient expliqué les difficultés qu’ils rencontraient, comme tous les acteurs des loisirs de plein air. Absence de visibilité, flou des règles, contraintes à l’entrée en France… Ils n’ont pas vraiment pu travailler correctement pendant l’été. Mais parfois, les coups du sort sont aussi l’occasion de rebondir. Et c’est ce qu’ils ont fait en meublant leur inactivité avec la création d’une… brasserie. Rien de très étonnant pour un couple anglo-Sud-africain, mais tout de même, de leur métier d’accompagnateur en montagne et guide VTT à celui de brasseur, il y avait une drôle de marche. “Nous sommes allés à Paris pour suivre une formation et apprendre ce métier, c’était très intéressant” raconte Ian Pendry. “C’était spécialement dédié aux brasseries artisanales, on a appris plein de choses importantes sur la législation, les aspects sanitaires, les différents modèles économiques. Cela nous a d’ailleurs permis de bien cerner notre propre projet et comprendre que nous ne voulions pas nous lancer dans la course aux volumes…” Bref ne pas devenir un “petit mais gros brasseur” !

Produire suffisamment

“Ça tombait bien, nous n’avions jamais imaginé produire 100 000 litres de bières par an. Nous voulions rester en vente directe, locale, sans passer par la distribution. De toute façon, il n’y a pas la clientèle pour boire 100 000 litres de bières en Cerdagne !” sourit-il. “En plus, je suis persuadé que la demande des consommateurs va maintenant vers ce type de bières très artisanales plutôt que vers les grandes marques.” Rentrés à Saint-Pierre dels Forcats, ils procèdent aux nombreuses formalités administratives pour avoir le droit de brasser et commercialiser leur production et commencent à s’équiper. De quoi tester des recettes qu’ils se plaisent à élaborer en fonction de leur inspiration et de leurs goûts pour produire la bière du Cambre d’Aze. Et la réponse de la clientèle est bonne. Depuis qu’ils ont commencé, ils ne cessent de s’équiper pour pouvoir répondre à la demande. “C’est un peu notre problématique aujourd’hui, être capable de produire et de conserver suffisamment de stocks pour ne pas être en rupture” explique Ian Pendry. Les deux fûts de 150 litres du départ sont aujourd’hui huit et ils viennent de déposer un permis de construire pour édifier un local spécifique afin d’y accueillir leur brasserie, recevoir leur clientèle, procéder à des dégustations… “Et pour tout dire, c’est aussi parce que nous n’avons plus de place dans notre cuisine, là où nous avons démarré !”

Changer de carrière ?

À mesure que le temps passe, les recettes évoluent, les consommateurs apprécient et les questions évoluent tout autant. “On se demande encore comment construire la gamme. En fait nous aimons bien nous laisser guider par l’inspiration, faire découvrir des goûts que les amateurs ici ne connaissent pas.” L’idée, c’est de proposer un tour du monde des goûts. Ian chausse sa casquette de pédagogue : “Il y a beaucoup de gens qui ne savent pas que les IPA, le style de bières que nous produisons, sont différentes au Royaume-Uni de ce qu’elles sont aux États-Unis et que, même dans ce pays, elles sont différentes selon qu’elles sont brassées sur la côte Ouest ou sur la côte Est. Et nous avons plein d’idées, sur cette base-là, pour compléter nos recettes.” D’où l’avantage de n’avoir finalement que de petits fûts, la prise de risque est limitée… Et le VTT dans tout cela ? “C’est une autre question que nous avons ! Mais nous n’avons pas pu faire une saison correcte l’an dernier, cette année, on le voit, c’est aussi assez mal parti… Peut-être aussi que c’est le moment pour nous de changer un peu notre activité. Nous continuerons à accueillir des groupes venus du monde entier quand ça sera possible, mais peut-être sur un créneau plus court dans l’année, à un rythme complètement différent. Parce que brasser de la bière et la vendre, de toute façon, cela demande du temps, beaucoup de temps !”

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