Vente à perte ou baisse des taxes : et si Bruno Le Maire se trompait (encore une fois) ?

Avec presque 48 % de son PIB versé à l’impôt, la France arrive, concernant la pression fiscale exercée en Europe, en seconde position derrière le Danemark. Une addition qui pourrait bien augmenter si l’on considère les 3 013 milliards d’euros (mars 2023) de déficit public cumulés par la France en plus de quatre décennies. Sachant que cette dette était de 2 380 milliards en 2019 et qu’elle a considérablement augmenté depuis avec les effets de la crise Covid, les répercussions de la guerre en Ukraine, le “quoi qu’il en coûte” et autres boucliers, tarifaire ou énergétique, mis en place par le Gouvernement.

Amortisseur économique et social ou tonneau des danaïdes, bien malin qui peut estimer les bénéfices et les inconvénients induits par ce train de soutiens accordé à certaines entreprises et aux particuliers, alors que, dans le même temps, l’inflation battait et bat encore des records historiques.
L’équation est pourtant simple : maintenir ou augmenter le niveau d’imposition afin de renflouer les caisses de l’État au risque d’impacter la compétitivité des entreprises et le pouvoir d’achat des ménages. Ou lâcher du lest en abaissant notamment la TVA de 20 % à 5 %, ce qui permettrait une relance de la consommation et, par ricochet, de la production.

À moins qu’il faille se contenter d’une solution hybride comme vient de le décider Bruno Le Maire, ministre de l’Économie. Autrement dit, autoriser la vente à perte des carburants à partir du 1er décembre et pour 6 mois. Une mesure qui doit être encadrée légalement car elle est, sauf à de rares exceptions près et en période de soldes, interdite en France. Une fois la “dérogation” obtenue, ce sont bien évidemment les grandes surfaces qui vont s’engouffrer dans la brèche avec des arguments commerciaux qui provoqueront probablement une surenchère de rabais (et pourquoi pas un précédent pouvant être élargi à d’autres produits…). Le but étant d’attirer une clientèle à la pompe qui en profitera pour faire ses courses au supermarché. De quoi confirmer l’hégémonie de certaines enseignes et affaiblir les distributeurs indépendants qui ne pourront pas appliquer la baisse.

Du bricolage à la petite semaine

Qui s’en plaindra ? Personne ! Puisque, contexte oblige, le moins disant l’emportera toujours désormais sur les bons sentiments et le service de proximité. Sachant que, selon Pieyre-Alexandre Anglade, “Ça peut être jusqu’à 47 centimes d’économisés sur un litre d’essence.” Un geste qualifié de “considérable” au micro de France Info par ce parlementaire Renaissance, président de la commission des Affaires européennes à l’Assemblée nationale.

Plus considérable et beaucoup moins clivant aurait été une baisse de la fiscalité sur les carburants. Laquelle représente plus de 60 % du prix payé à la pompe. Mais là, on ne touche pas au grisbi. Bien au contraire, puisque le locataire de Bercy vient de décider la fin du GNR pour les agriculteurs et les travaux publics à partir de 2024 (voir notre article en page 7), sans que ce dispositif concerne le secteur des transports routiers et afin de ne pas nuire à sa compétitivité.

Du bricolage à la petite semaine et une gestion empirique, voire discriminatoire, de la situation. Avec, une fois de plus, le pouvoir qui refuse de juguler et de contrôler la dépense afin de ne pas froisser le secteur public, tout en faisant supporter l’impôt à ceux qui ne se font plus guère d’illusions sur les retombées sonnantes et trébuchantes des annonces placebo.

Jean-Paul Pelras

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