Télétravail obligatoire : Madame Borne, venez donc essayer dans notre village ! (Par Jean-Paul Pelras)

Encore une fois, tout part de Paris et de ces ministères où l’on exige et ordonne sans plus de discernement, en fixant depuis son bureau la pointe de la Tour Eiffel, où l’on légifère sans tenir compte des réalités auxquelles sont confrontés les territoires ruraux, isolés ou non et, en l’occurrence, mal desservis en connexions numériques ou téléphoniques. Comment en effet opter pour le télétravail quand nous n’avons même pas assez de connexion pour envoyer ou recevoir un simple mail, quand les réunions en visio-conférence sont interrompues au bout de quelques secondes, quand il faut patienter une heure pour télécharger un document, quand, pour joindre par téléphone un collaborateur ou un client, il faut sortir sur la terrasse ou se rendre à l’entrée du village afin de pouvoir capter un peu de réseau, quand, même à la mairie, ils n’arrivent plus à consulter les documents administratifs.
Un problème récurrent auquel vient s’ajouter celui des lignes fixes, souvent en dysfonctionnement car mal entretenues ou non réparées suite aux incidents climatiques. Au chapitre des différences de traitement subies par une certaine ruralité, il faut rajouter les connexions satellitaires. Quand, pour essayer de regarder une émission en replay, il faut bien souvent s’y prendre la veille.
Alors, bien sûr, de temps en temps les habitants interpellent les pouvoirs publics, les élus, plus rarement les opérateurs car ils ne peuvent jamais les joindre. Quelques articles de presse sont publiés spontanément, qui attirent l’attention le temps d’une lecture et finissent, le soir même, consumés dans les flammes de l’oubli. Tel un serpent de mer, le problème des zones dites blanches ou grises s’invite régulièrement au débat quand, après avoir miraculeusement retrouvé, à la proue du jardin et pendant quelques semaines, une barre sur leurs téléphones portables, les habitants de telle ou telle commune se voient replongés dans l’angoisse des conversations hachées ou carrément inaudibles. Idem pour internet qui passe à peu près bien avant huit heures du matin, beaucoup plus péniblement sur le coup de onze heures et plus du tout quand le fiston essaye de se connecter pour faire ses devoirs après six heures du soir.

Une sous-France des connexions

Même s’il s’agit d’un non-dit politique, il existe bien une sous-France des connexions, beaucoup plus prégnante qu’elle n’y paraît. Il s’agit d’un mitage territorial clairement identifié et jamais résolu. Certains villages ou hameaux voient même la situation se dégrader. Il en résulte un découragement qui précipite le départ de certaines familles alors que ceux qui souhaitent s’installer font demi-tour une fois le volume des connexions consulté. Une déprise précipitée, d’autre part, par les déserts médicaux et la paupérisation des populations rurales qui ne risque pas de s’inverser, alors que le télétravail devient la norme et que beaucoup ne peuvent y échapper.
Dans beaucoup de communes, y compris périurbaines, nous avons vu le tissu économique se déliter, le lien social disparaître. Nous assistons
désormais à une désertification des villages isolés car le sortilège s’évente rapidement au regard des contraintes à affronter une fois les valises posées. La couverture numérique, quoi qu’en disent les élus, n’est pas une priorité. (Sauf, peut-être, dès qu’arrivent les élections pour communiquer les programmes politiques…). D’une année sur l’autre, dans certains secteurs, nous ne constatons aucune amélioration, dans la mesure où, de surcroit, la demande exponentielle nécessite une optimisation des connexions.
En résumé, nous courrons derrière l’innovation sans pouvoir y prétendre. Ce qui induit, pour certaines entreprises artisanales, commerciales ou agricoles, une perte évidente de compétitivité, des déplacements chronophages et, compte tenu de la dématérialisation en vigueur, la quasi impossibilité de pouvoir régler les démarches administratives en temps et en heure. La France du télétravail est donc, encore une fois, une France à deux vitesses selon que vous essayez d’exister dans un petit village des Pyrénées ou du côté de Lutèce.

 

 

Une réflexion sur “Télétravail obligatoire : Madame Borne, venez donc essayer dans notre village ! (Par Jean-Paul Pelras)

  • 10 février 2021 à 11 h 12 min
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    Encore une fois que de vérités!
    il faudrait juste encore rajouter que la seule égalité qui soit entre la campagne et les zones bien desservies que sont les grandes métropoles est celle du prix que nous payons aux différents opérateurs pour des services auxquels nous ne pouvons que piètrement accéder en campagne.

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