Municipales P.-O. : le baromètre rural

À moins de six mois du prochain rendez-vous citoyen avec les urnes et du renouvèlement, ou pas, des maires et de leurs élus, nous souhaitions, à travers le regard de Guy Ilary (président de l’association des Maires depuis 2001 et maire apolitique de Tautavel depuis 1978), partager le quotidien de la fonction et mettre en lumière ce qui anime ces femmes et ces hommes, qui se présentent pour servir leurs administrés.

Vous exercez à Tautavel la fonction de 1er magistrat depuis plus de 40 ans, quelles sont les qualités requises, dans les petites communes, pour assurer le rôle de maire ?
Vous savez, il faut tout d’abord aimer son village, avoir de fortes valeurs de ruralité, de terroir et d’humanisme aussi. Être à l’écoute, avoir l’esprit de sacrifice, c’est à dire sacrifier sa vie de famille, ses loisirs. C’est une passion aux services des autres !
Que vous ont apporté ou appris toutes ces années dédiées aux services de la commune ?
Au début des années 70, j’ai eu la chance de faire des études universitaires concernant le droit public et les démarches administratives s’y afférent. Cet atout m’a permis d’acquérir une expérience de terrain extraordinaire dans la gestion purement municipale. En même temps j’ai appris qu’il existe des femmes et des hommes qui méritent que l’on s’intéresse à eux. Parallèlement, j’ai aussi pris conscience, au-delà des vertus de la société, des vices quelle renferme dans sa construction, dans sa démarche et dans ce qu’elle laisse trop souvent d’égoïsme, parmi les populations.
De votre premier mandat à ce jour, qu’est-ce qui, selon vous, a majoritairement marqué la fonction des maires ?
Il y a 40 ans, la plupart des maires que je côtoyais étaient élus depuis la Libération et je les qualifierais de maires de la reconstruction, tâche qui s’est même poursuivie jusqu’aux années 70. Par la suite, dans les années 80, je qualifierais nos fonctions de maires bâtisseurs puis, au cours des années 2000, la période de crise a accentué la fonction de maires gestionnaires qui, de nos jours, s’est traduite en fonction de maires développeurs, toujours à la recherche de richesses économiques pour les communes.
Pensez-vous que l’avenir des petites communes passe par une fusion avec d’autres, ou bien est-il plus important que chacune d’entre elles préserve son identité ?
Contrairement à une idée reçue “les nouvelles communes”, fruit de la fusion entre plusieurs d’entre elles, ne s’adresse pas uniquement aux petites. Pour ma part, je suis un farouche défenseur de la commune et la survie de nos villages ne peut se faire, et notamment pour les plus petits, qu’avec le concours d’élus locaux souhaitant s’investir avec les tripes et avec le cœur. Partant de là, le levier de développement c’est l’intercommunalité, associée à la solidarité intercommunale. Vous savez, la vie de cette ruralité repose sur trois piliers essentiels : l’existence de la commune, une agriculture forte et de nouveaux modes opératoires d’attractions, comme avec le tourisme rural.

Applicables aux communes, il existe plus de 400 000 normes !

À la veille des prochaines campagnes électorales pour les Municipales, y a-t-il, en milieu rural, un essoufflement des maires sortants pour disputer un nouveau mandat ?
Laissez moi vous dire que ceux qui vont arrêter, c’est tout bonnement qu’ils arrivent au bout d’un cycle. Ces personnes qui ont été élues maire à la tête de petits villages durant 20, 30 ou 40 ans souhaitent tout simplement passer le flambeau. C’est faux de dire qu’ils laissent la fonction parce qu’ils n’ont plus la passion, qu’ils sont contrariés, déçus, ce n’est pas vrai ! Quand on est maire, notamment en milieu rural, c’est un sacerdoce ! Je ne citerai pas de noms, mais si l’âge de certains le permettait, ils continueraient sans nul doute. Vous savez, les maires des petites communes ne courent ni après la gloire ni quelconques indemnités, ils sont là pour Servir avec un “S” majuscule.
Mais tout de même le 1er magistrat d’une commune et ses élus doivent faire face à une multitude de responsabilités et de charges administratives à respecter ?
Oui effectivement, nous sommes, avec nos élus, victimes et confrontés, si vous me permettez ce rapprochement avec la grotte de la Caune d’Arago, a une sédimentation de textes ! Textes de lois, de réglementations, de circulaires, de décrets, d’arrêtés et, chaque année, on nous en pond dans tous les domaines. Sachez qu’aujourd’hui, applicables aux communes, il existe plus de 400 000 normes ! Cela devient très compliqué à gérer d’autant plus, fait nouveau, que se sont développées la judiciarisation, la procédure et la jurisprudence.
Dernière question monsieur le maire, allez-vous postuler pour un prochain mandat ? 
Au risque de vous surprendre je n’ai pas encore pris ma décision et ce n’est pas une clause de style, c’est la vérité. Je suis en pleine réflexion concernant les quelques années qui me restent à consacrer à ma vie privée et j’espère pouvoir me prononcer d’ici la fin novembre. 
On l’aura compris même si, suivant les communes, la carotte n’a pas le même goût sucré, cette fonction, au-delà de la passion et des sacrifices, demande de la connaissance, du savoir-faire, de la patience, des nerfs solides, de la diplomatie et, assurément, une bonne aptitude aux fines négociations… Le premier “rendez-vous” aux urnes est fixé, ce sera le dimanche 15 mars 2020.

Thierry Masdéu 

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