Le loup, l’éleveur, le visiteur, l’écologiste et le buronnier [par Jean-Paul Pelras]

Bien sûr il y a ceux, comme les techniciens de l’Office français de la biodiversité, qui répètent, expertises et autopsies à l’appui, que les rapaces ne s’attaquent qu’aux charognes et non aux animaux vivants. Et puis il y a les éleveurs qui sont convaincus du contraire, comme à Palmas d’Aveyron, où ils ont récemment découvert 5 brebis dépecées par des vautours. Des éleveurs de plus en plus inquiets face à la prolifération des attaques subies par les troupeaux. Des attaques imputables à l’ours dans les Pyrénées, aux vautours fauves dans le centre de la France ou aux loups un peu partout sur le territoire national.

Plus une semaine sans que des cadavres soient découverts mutilés, dépecés, égorgés comme en Aveyron où, malgré l’implantation d’une seconde brigade Grands prédateurs, 41 brebis ont été tuées ou blessées depuis le 25 juillet dernier. Mélanie Brunet, présidente du Cercle 12, association de soutien aux éleveurs prédatés qui prône l’abaissement de la surprotection des loups pour une régulation plus efficiente, me confiait récemment : “Ce qu’aucune indemnité ne pourra jamais compenser, c’est l’inquiétude des éleveurs dont les troupeaux sont à nouveau menacés en permanence au pâturage.”

Et pourtant, jamais l’engouement pour le pastoralisme n’a été aussi prégnant. Il n’y avait qu’à croiser, fin de semaine dernière, le regard admiratif des participants à la Nuit des Burons, organisée au buron du Puech Ibers à Saint Gêniez d’Olt et d’Aubrac et au buron du Theron à Montorzier sur la commune de Nasbinals, pour mesurer l’attachement au métier d’éleveur et au savoir-faire qu’il a su perpétrer. En hommage à Jean Fournier et en présence de son frère Paul, la famille du buronnier récemment décédé accueillait un public certes rompu aux traditions locales mais également conscient des enjeux économiques, sociaux et environnementaux que représente le maintien de l’agriculture sur le plateau de l’Aubrac. Comme partout où l’homme a su, malgré le caprice des éléments et celui des conjonctures, maintenir, voire développer une activité.

Un challenge permanent menacé par le dogme écologiste qui ne sait bien souvent de l’outil ni l’usage, ni le prix avec une usurpation idéologique du métier qui n’est applicable ni au terrain, ni au marché. Quand admirer, à juste titre, le travail désormais révolu des buronniers et essayer de comprendre leur quotidien le temps d’une soirée, ne suffira pas à protéger ceux qui ont eu le courage et l’audace de leur succéder. La mémoire de nos anciens, souvent évoquée de façon “sélective” dans nos territoires ruraux, doit aussi intégrer l’inlassable lutte menée contre les prédateurs qui, de tous temps, ont menacé les troupeaux.

“Si les vieux revenaient”, entre deux portions de truffade et une part d’aligot, là- haut sous la voute étoilée où quelques petits degrés courent encore au-dessus de zéro, loin des considérations folkloriques et des circonvolutions politiques, ils ne manqueraient certainement pas de nous le rappeler.

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