Le CIVL va-t-il exploser ? [par Yann Kerveno]
C’est un sérieux bras de fer, avec un versant juridique, qui s’est ouvert au sein du Conseil interprofessionnel des vins du Languedoc…
L’été sera chaud pour l’interprofession des vins du Languedoc avec les sécessions annoncées des appellations audoises de Corbières, la plus importante en volumes, Malepère, Fitou et de Faugères dans l’Hérault… Tandis que la fédération des metteurs en marchés a décidé de contester devant la justice la validité de l’assemblée générale qui a porté Christophe Bousquet à sa tête. Le chaos de l’AG aura donc des prolongements importants dans les semaines qui viennent. Le 29 juillet, la fédération des metteurs en marchés a annoncé avoir saisi l’avocat Maître Pinet à Narbonne afin qu’il étudie toutes les suites judiciaires à donner à l’esclandre. En cause, la non-convocation de leurs représentants à l’assemblée générale qui sonne comme un coup de force du négoce.
“Depuis 22 ans, les metteurs en marché directs participent à la vie du CIVL dans la section du négoce, ce sont les négociants qui nomment six représentants des metteurs en marchés directs pour compléter leur collège. Les metteurs en marchés directs, c’est-à-dire les vignerons indépendants et les caves coopératives, représentent aujourd’hui 55 % des volumes des AOP du Languedoc et 40 % du total des vins commercialisés dans la région” détaille Jean-Marie Fabre, président de la fédération régionale des metteurs en marché directs. Qui ne peut qu’ironiser ensuite sur les éléments de langage distillés par la nouvelle équipe du CIVL appelant à l’unité. “Ils sont les seuls responsables de cette situation.”
Mensonges
Il réfute notamment l’argument avancé de “se conformer à la loi et de bénéficier d’un code APE de commerçant pour pouvoir siéger dans ce collège”, brandi pour expliquer l’éviction des metteurs en marché directs. “C’est une affirmation totalement mensongère, le code APE est un outil statistique qui sert à l’INSEE, le code rural, dont relèvent les interprofessions, parle d’organisation représentant la mise en marché.” Le deuxième point qui sera, lui, porté devant la justice, c’est la validité de l’AG dont 19 metteurs en marchés directs ont été exclus parce qu’ils n’ont pas été convoqués comme ils auraient dû l’être. La fédération des metteurs en marché directe demandera également la nomination d’un administrateur ad hoc pour être sûr “qu’aucune décision soit prise tant que la justice ne s’est pas prononcée.”
“Nous avons aussi conseillé à nos mandants de suspendre, tant qu’une assemblée générale en bonne et due forme n’aura pas été tenue, le versement des contributions volontaires obligatoires” poursuit Jean-Marie Fabre. Pour éviter que des fonds soient engagés dans les semaines qui viennent. Les appellations ne sont pas en reste qui, pour certaines, ont décidé de quitter le navire dès le coup de force lors de l’assemblée générale. Corbières a voté le départ et la suspension du versement des CVO, Malepère et Faugères sont sur la même longueur d’ondes.
À Fitou, le président du cru, Alain Gleyze ne cache pas son agacement. “Oui nous avons voté la sortie du CIVL à l’unanimité, parce qu’au final on ne comprend pas vraiment à quoi ça sert, en gros on ne sait pas pourquoi on paye. Ça vous arrive, vous, de payer le plein d’une voiture qui n’est pas à vous ?” Il ajoute : “il y a déjà eu des discussions avec la fédération Sud des AOC sur ces questions mais rien ne se passe, on a l’impression de cotiser à fonds perdu.”
Revanche ?
Si l’appellation audoise a voté la sortie de l’interprofession, comme l’avait fait le Minervois il y a deux ans, celle-ci ne sera effective, statutairement que fin 2022 ou 2023, ce qui fait craindre un coup de Jarnac. “Il ne faudrait pas, en attendant, que le CIVL vote une augmentation des contributions volontaires obligatoires, parce qu’on ne peut demander 15 à 20 euros de moins sur les produits et augmenter les contributions de l’autre côté, surtout que nous, ici, nous ne faisons que du rouge et que nous sommes les plus en difficulté”.
En attendant, difficile d’y voir clair. Y aura-t-il négociation ? Les choses peuvent-elles rentrer dans l’ordre, ou un ordre différent se mettre en place ? “Les grands négoces sont plutôt favorables à ce type de représentation des metteurs en marchés directs au sein des instances” fait remarquer un fin connaisseur des rouages de la viticulture régionale, “mais où ça coince visiblement, c’est avec le négoce de taille régionale…” Négoce régional qui pourrait avoir eu envie de se venger d’avoir été en partie écarté du plan de relance et des subsides associés, négociés par la filière avec la Région…