Ils s’en foutent…
300, c’est le nombre approximatif d’éditos rédigés dans les colonnes de l’Agri depuis que nous avons mis en place cette formule courant 2012. Vinrent ensuite les chroniques de Jean-Marc, de Gilles, de Dorothée, de Jacqueline, de Robert, de Claire et, bien sûr, les articles de Fanny. Et puis, il y a cette question qui revient dans la vacuité estivale de ces bureaux où nous posons, solitaires, semaine après semaine, des mots sur des évènements, un peu d’indignation sur ce que nous croyons être des injustices, un peu de colère sur la médiocrité, un peu d’ironie sur la bêtise, un peu de vérité sur le simulacre : à quoi sert ce que nous écrivons ? Si ce n’est à exprimer (ou pas) ce que ressent le lecteur par procuration. Oui, à quoi servent en définitive ces petits textes décochés à la faveur d’une actualité de plus en plus orientée par le pouvoir, son administration et les grands medias qui lui sont asservis ? Sans oublier, pour amuser la galerie, ces réseaux sociaux dont nous avons bien du mal à nous dépêtrer car ils impulsent la dictature de l’instant. Car ils servent les intérêts du pouvoir en place en captant l’attention des internautes et en autorisant un moyen d’expression tout aussi furtif qu’inoffensif.
De gauche, de droite, du centre, en marche ou à l’arrêt, ils sont des centaines, voire des milliers à pouvoir maitriser ainsi leur communication. “Demandes et tu obtiendras” disait Saint Luc (Chapitre 11, 5-13). C’est un peu ce que les gardiens du temple veulent nous fait croire avec des mots comme “espoir”, “reprise”, “unité” et autre “optimisme”. Formules bien pratiques quand ceux qui nous gouvernent n’ont rien de mieux à proposer en magasin. Quand ils ne savent apporter aucune réponse aux préoccupations des paysans, des artisans et de toutes celles et ceux qui se lèvent chaque matin pour générer l’induction nécessaire au fonctionnement d’un pays.
Comme l’eau sur les plumes d’un canard
Ce pays où, malgré les demandes réitérés des ruraux, téléphone et internet ne passent toujours pas dans bon nombre de communes, où certaines gares ne verront plus jamais passer de train et d’où vient de s’en aller le tout dernier médecin. Ces villages où la friche est devenue un prétexte à l’urbanisation. Cette agriculture qui dénonce depuis des décennies le jeu des compétitions déloyales et à qui l’on propose des États généraux de l’alimentation où rien, absolument rien, n’est prévu pour garantir un revenu face aux concurrences extra et intra européennes. Alors que, et les chiffres en page 5 le démontrent encore une fois sans la moindre ambiguïté, c’est bien de là que vient le problème. Et puis il y a ces syndicalistes agricoles peu scrupuleux qui vont, accompagnés de ministres français, signer des accords de libre-échange au Maroc, ces responsables nationaux qui “crient à l’huile de palme” pour sauver leurs intérêts particuliers, ces paysans environnementalistes qui disent vouloir vivre sans primes et qui sont les premiers à se servir dans la manne qu’offrent les subsides européens à la faveur d’un verdissement plus spéculatif qu’écologique.
Ainsi passa la première partie de cette année 2018 avec des gens qui s’en foutent, car ils sont aux manettes, car ils n’ont que faire des critiques et des revendications. Celles qui glissent sur leurs 49-3 et sur leurs ordonnances comme l’eau sur les plumes d’un canard. Quelque part dans ces sociétés où le capital, ses portes pipes et ses barbouzes finissent toujours par avoir raison des contre-pouvoirs.