Chasse : rencontre avec Johanna Clermont [par Yann Kerveno]
On la croise sur les réseaux sociaux, dans les magazines, parfois même sur les plateaux télé. Johanna Clermont est devenue un des visages de la chasse en France. Originaire des Pyrénées-Orientales, nous l’avons rencontrée à Perpignan.
À dire vrai, rien ne prédestinait vraiment Johanna Clermont à devenir une égérie du monde la chasse : “Je suis originaire d’une famille où l’on n’est pas contre la chasse mais où l’on ne chasse pas” explique-t-elle. Sa rencontre avec le monde de la chasse, elle la doit à des amis d’adolescence, au lycée de Limoux. “Chaque fois que je leur proposais de faire un truc, ils refusaient parce qu’ils devaient aller à la chasse. J’ai fini par demander à les accompagner.” Un doigt dans l’engrenage en somme. “J’y suis allée de plus en plus souvent et j’ai fini par avoir envie de passer mon permis de chasse.” Et qu’est-ce qui la séduite ? “C’est un tout, il y a le fait d’être dans la nature, la traque, c’est excitant d’être dans le rôle du prédateur, cela réveille des choses peut-être un peu oubliées, mais il y a aussi les rencontres qu’on ne ferait pas ailleurs, avec des gens de tous âges et de tous les milieux sociaux, les chiens, les relations entre les hommes et les chiens et puis, même si ce n’est pas politiquement correct de dire cela comme cela, les armes, cela m’intéresse aussi.” À 25 ans, elle a quelques saisons de chasse derrière elle maintenant et il ne faut pas longtemps pour entrer dans le vif du sujet, passer derrière l’image d’icône des réseaux, à peine quelques minutes de conversation.
Transformer sa passion en métier
Son plus beau souvenir ? Un séjour de dix jours en Écosse, à la chasse au cerf pour les besoins d’un film. “C’était quelque chose de très physique, on marchait tous les jours, sous la pluie, dans la boue et puis il y a le bonheur de prélever un cerf dans des paysages incroyables” raconte-t-elle avec gourmandise. Et le pire ? “On ne m’a jamais posé cette question” sourit-elle, avant de prendre quelques instants pour réfléchir. “Peut-être que c’est l’attente, parfois, quand tu passes 5 ou 6 heures sans rien voir ou rien entendre et là, ça dépend de ton état d’esprit, ça peut-être super comme carrément pénible !”
Mais comment est-elle parvenue à faire de sa passion l’objet de son métier ? Assez naturellement selon ce qu’elle explique. “Je n’avais que peu de réseaux sociaux, juste Facebook à l’époque. C’est lorsque j’ai publié la photo de mon premier sanglier que tout s’est emballé. Cette image a fait le tour de la terre et, très vite, les marques m’ont contactée pour travailler avec moi.” Pourquoi ? Elle résume. “Parce que je suis une jeune femme, que je suis plutôt urbaine par nature, ça tranche dans le paysage habituel de la chasse, monde masculin par essence.”
Des flots de haine
Depuis, elle a vite appris à appuyer ce côté insolite et glamour pour constituer une communauté imposante, plus de 180 000 followers sur Instagram et tout autant sur Facebook. Et puis il y a l’envers du décor, ces a priori qu’il a fallu combattre. “Au début, on a même douté que je chassais réellement, il y a eu de la jalousie aussi peut-être, comment moi, jeune femme, je pouvais avoir accès à ces armes de grande qualité, à ces voyages, alors que je débutais” raconte-t-elle.
Et aujourd’hui, se battre contre les “haters” et les flots de haine déversés sur les réseaux sociaux qui sont son support de travail. “C’est très irrégulier, mais en gros, je reçois des centaines ou des milliers de messages et notifications quand je publie une photo d’animal mort, le reste du temps, c’est beaucoup plus calme. Mais je me demande s’il existe une passion qui génère autant de haine dans le monde” se demande-t-elle. D’ailleurs, l’émoticône qui revient le plus souvent dans ses commentaires, c’est celui qui vomit. “C’est violent” reconnaît-elle, jusque dans la vie réelle, on lui a craché dessus et même jeté des pierres. Et elle doit jouer avec les conditions d’utilisation des réseaux sociaux. Le fait d’y montrer des armes lui a même valu d’être bannie de Tik Tok, le réseau chinois en vogue. “Pourtant, je suis juriste, je leur ai adressé un plaidoyer argumenté, mais ils ne m’ont pas répondu.”
“Ce n’est pas Bambi”
Depuis, elle a mis en parenthèses ses études de droit, “droit international” précise-t-elle, pour vivre de sa passion. “Une carrière d’influenceuse ça ne dure pas forcément. Je ne me vois pas à 63 ans encore dans le même job à me demander si je vais prendre ma retraite. Je les reprendrai peut-être plus tard. Ce que je fais là me plaît, ça me permet de vivre et c’est enrichissant.” Depuis la Covid, elle avoue toutefois chasser un peu moins, les voyages sont moins faciles. “Avant, c’était 50 % de mon temps, aujourd’hui, c’est 50 % de mon temps, mais sur la saison de chasse” sourit-elle.
Et quand on lui demande comment elle perçoit aujourd’hui la chasse en France ? Elle embraye : “Ici, dans la région, la chasse est encore bien acceptée. Mais globalement, politiquement nous ne sommes pas vraiment aidés, socialement non plus, l’opinion est principalement composée de non-chasseurs aujourd’hui qui ne connaissent pas grand-chose à notre monde. Au contraire, le chasseur reste connecté à la terre, il sait d’où il vient, il a un rapport très concret à la nature et au paysage dans lequel il évolue et il a une vision plus proche de la réalité.
Ce n’est pas Bambi qu’il voit au loin, mais un animal qui, s’il ne le prélève pas, mourra probablement de maladie ou sous les crocs d’un prédateur. On n’est pas dans le monde des bisounours ou de Disney.”
Propos recueillis par Yann Kerveno