Au train où vont les choses…
Bien sûr, il y eut ce drame qui restera gravé à jamais dans la mémoire collective. Six enfants tués, dix-sept blessés, des familles dévastées. Mais aussi une enquête judiciaire interminable et des voix qui s’élèvent, quelque part entre l’irrémédiable et l’insaisissable, pour comprendre. Oui, pour comprendre, quand, au-delà des départs insoutenables, il faut également affronter ce supplément de désarroi qui vous prive de vérité.
Et puis, toute en retenue, il y a, bien entendu, cette question que se posent les usagers. Ceux qui, depuis l’accident, veulent savoir quand la ligne Perpignan-Villefranche va rouvrir. Il n’y a rien d’indécent dans cette interrogation, rien qui puisse venir atténuer l’émotion, la solidarité, la compassion. Rien, non plus, qui puisse être récupéré par quelques politiciens du cru, toujours prompts à se réfugier derrière la bonne conscience du chagrin.
Les organisateurs de la manifestation qui aura lieu vendredi savent, à ce titre, qu’ils doivent faire preuve de prudence car, bien évidemment, si la ligne ne fonctionne plus, c’est très officiellement à cause de cette terrible collision survenue le 14 décembre dernier à Millas. Mais peut être aussi car, tôt ou tard, à la faveur de quelques décisions gouvernementales et au train où vont les choses, le transport ferroviaire de proximité, tel que nous l’avons connu, est voué à disparaître. Alors advient cette autre question : est-ce que le TER ne monte plus jusqu’à Villefranche à cause de l’enquête en cours ? Auquel cas, cette instruction judiciaire aurait-elle pris autant de temps si pareil drame était advenu sur une ligne TGV ou sur celle du RER ?
Reverra-t-on un jour un TER à Villefranche-de-Conflent ?
Ou bien faut-il entrevoir ici, si l’on considère les termes du rapport Spinetta préconisant la fermeture de petites lignes, les prémices d’une décision politique forcément contreproductive pour notre monde rural. Ce monde rural qui doit, chaque jour, accomplir des dizaines de kilomètres pour aller travailler, pour trouver un médecin, pour franchir la porte d’une administration. En résumé pour essayer de rester connecté avec tout ce qui risque d’été supprimé d’ici quelques temps.
La ligne ferroviaire qui relie la ville aux cantons du haut pays participe au maintien de l’économie locale. Cette économie impactée par le non prolongement de la RN 116, par la menace qui pèse sur les offres de soin, par les fermetures de classes, par la paupérisation des communes isolées, par la déprise agricole et, entre autres, par la récurrence des problèmes de communication.
Considérant ce contexte, les usagers peuvent donc se permettre de demander aux décideurs du moment “pourquoi” le train qui leur permet de traverser une partie de ce département risque de ne plus jamais revenir en Conflent ?
Au-delà de ce tragique et malheureux accident, du drame de la disparition d’enfants… Résonne en échos d’un froid silence, le cynisme !
Le décor est planté ! Loin, très loin des territoires, énarques arrogants et technocrates fats décident ( sans connaissance des réalités de terrain ) pour des populations qu’ils jugent ignares et assujetties.
Les compétences en matière de transports en commun et de fret en Pays Catalan doivent être du ressort des populations qui vivent sur ces territoires et de leurs décideurs locaux, ici et maintenant !