Les 100 ans de Cap Leucate

S’il reste élu au conseil d’administration pour encore deux ans, Joël Castany a décidé de laisser la présidence à la génération d’après. (photo Yann Kerveno)

La cave de Cap Leucate fêtera lundi prochain son 100e anniversaire, avec ses partenaires et ses sociétaires. Et Joël Castany, son président, en profite pour passer la main.

Le centenaire est toujours un moment fort et important tant il touche aux limites de la vie humaine, mais il en est pareil des entreprises, rares sont celles qui parviennent à boucler un siècle. La cave de Leucate, à l’instar de nombreuses caves coopératives nées dans l’adversité du début du XXe siècle, célèbre donc 100 ans d’existence la semaine prochaine. L’occasion pour Joël Castany de terminer un cycle important, le centenaire de l’entreprise qu’il préside depuis longtemps et sa propre carrière de président. Quand il regarde en arrière, la première chose qui le frappe n’est pas tant le chemin parcouru que l’instant initial, ce jour fondateur de janvier 1919, juste au sortir de la grande guerre. Un jour où, dans les locaux de la mutualité, 158 vignerons sont présents pour s’allier et créer leur cave, ils sont 275 au total “sans distinction d’origine, de race, ou de quoi que ce soit” appuie Joël Castany. Ces jours-ci, l’assemblée générale aura prolongé la durée de vie de la cave de Leucate pour 100 ans. “Cela amène à réfléchir sur le modèle quand même” explique-t-il “c’est un modèle qui montre l’expérience de la démocratie et, en même temps, convoque l’humilité. On ne peut être qu’admiratif et reconnaissant devant le travail effectué par ceux qui nous ont précédés dans cette aventure.” 

Marie-Luce Jousseaume
C’est une d’entre elles qui sera d’ailleurs honorée durant ce centenaire, puisqu’une des salles de réunion du chai Laprade sera baptisée du nom de Marie-Luce Jousseaume. “Elle fut très longtemps administratrice de la cave et a joué un rôle fondamental dans son développement et sa pérennité.”
Pourtant, quand on regarde l’histoire de Cap Leucate, le parcours n’est pas fait que de succès. Joël Castany lui-même est entré dans cette aventure, à laquelle il n’était pas spécialement destiné, au plus fort de la tourmente, en 1983, pour liquider la cave. Rien de moins. “C’est un siècle riche, on a déplacé les frontières de la France, construit et abattu le mur de Berlin, et ici nous avons construit deux cathédrales viticoles, à Leucate puis le Chai Laprade en 2010…” Ce qu’il veut également transmettre à ceux qui entameront le deuxième siècle de Cap Leucate, c’est la capacité d’indignation et surtout de continuer à essayer de faire ce qui paraît pourtant impossible.

Faire ce qui est impossible
“Constituer cette coopérative et la faire vivre était quelque chose d’impossible, se lancer dans les vins doux, c’était quelque chose d’impossible, changer de cépages, cela paraissait impossible, et tout bouffer jusqu’à la liquidation de 1983 c’était impossible, comme le plan de redressement qui a suivi, la fusion avec Quintillan… Alors se projeter en 2120, c’est impossible mais il faut le faire…” Il balise aussi les sujets qui lui semblent primordiaux. “Aujourd’hui, il faut s’appuyer sur les 17 enjeux du développement durable qui ont été définis par l’Organisation des nations unies. Mais globalement, il va falloir continuer d’innover dans tous les secteurs, jusqu’aux ressources humaines, dans le financement, la gestion de l’eau…”
Et ne pas oublier l’origine. “La coopération est fille de la misère, alors la seule question qui prévaut, c’est comment transformer cette réalité née de la misère en réussite économique et en projet enrichissant et partagé.” De quoi forger un nouveau frontispice ?

Yann Kerveno

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