Vignerons Catalans : Arnaud de Villeneuve s’en va [par Yann Kerveno]
L’absence des représentants de la cave Arnaud de Villeneuve au lancement de la nouvelle marque des Vignerons Catalans posait question. L’Agri est allé chercher la réponse…
Il avait longtemps, finalement, qu’il y avait de l’eau dans le gaz entre la cave Arnaud de Villeneuve et les Vignerons Catalans. Le divorce sera consommé à la fin de l’année. “Cette décision de sortir des Vignerons Catalans, alors que nous en sommes le premier actionnaire, ne date pas d’aujourd’hui” précise Brice Cassagne, président de la cave coopérative de Rivesaltes. “Cela fait plusieurs années que nous avons des divergences stratégiques importantes, nous étions assez isolés dans les discussions et notre flux d’affaires vers les Vignerons Catalans s’était beaucoup réduit. Quand on est systématiquement dans l’opposition, il faut finir par se poser la question de sa présence dans une telle aventure.” La goutte qui fit déborder le vase, c’est le travail mené autour de la nouvelle marque lancée, la semaine passée, par les Vignerons Catalans (lire page 4), Les vignes du vent.
Achats en net recul
“Notre sortie n’est pas directement liée à cette création, mais nous avons participé à toutes les réunions depuis le printemps, sans parvenir à obtenir des réponses précises à nos questions. Et nous trouvions que ce projet n’allait pas forcément dans le sens de nos besoins. Au contraire, il viendrait même en concurrence de nos propres efforts commerciaux pour aller chercher de la valeur. On sera toujours favorable à ces initiatives, mais nous n’allons pas nous dépouiller de nos vins de qualité, que nous valorisons nous-mêmes, pour les fournir à Vignerons Catalans qui ira les commercialiser sur les mêmes marchés que nous. Alors oui, il faut aller chercher de la valeur, mais c’est sur les vins qui restent en cave qu’il faut travailler, pas sur ceux que nous valorisons nous-mêmes.”
Jean-Pierre Papy, directeur général de la cave abonde : “Ce qu’il faut aller chercher, ce sont les 20 ou 30 % de mieux sur les prix des côtes du Roussillon qui se vendent autour de 130 euros, les côtes du Roussillon village à 150, les IGP Côtes catalanes entre 90 et 100 €. C’est sur ces qualités qu’il faudrait travailler pour pouvoir mieux rémunérer les vignerons, parce que l’enjeu c’est cela” ajoute-t-il. Si les achats de vrac des Vignerons Catalans à Arnaud de Villeneuve sont aujourd’hui réduits, cela n’a pas toujours été le cas. Il y a quelques années, le groupement s’approvisionnait à hauteur de 25 000 à 30 000 hectolitres à Rivesaltes. “Aujourd’hui, cela oscille de 5 000 à 6 000 hectolitres, pour moitié de vins secs et l’autre moitié de vins doux” précise-t-il encore.
Travailler sur les vins qui restent
“Mais il y a six ans, nous avons eu un désaccord profond sur les rosés et les prix pratiqués par les discounters qui bloquaient les négociations avec la grande distribution classique. Au final, dans cette aventure, nous avons perdu des volumes chez les discounters sans obtenir l’augmentation envisagée dans la grande distribution classique” regrette Brice Cassagne. Avec Jean-Pierre Papy, il regrette aussi un manque de vision claire. “Nous travaillons aussi avec des négociants privés, avec des cahiers des charges, avec des profils produits, nous savons où nous allons, avec les Vignerons Catalans, ce n’était pas vraiment le cas” explique le directeur général de la cave. “Ce que nous avons ressenti ces dernières années, c’est une baisse d’activité générale des Vignerons Catalans alors que lorsque nous avons rejoint le groupement, l’objectif était de conforter les réseaux commerciaux de Dom Brial et Arnaud de Villeneuve en grande distribution et à l’export, au grand export, mais pas de venir nous concurrencer sur nos propres réseaux de commercialisation” ajoute Brice Cassagne.
Douloureux
Et que faire des 5 000 à 6 000 hectolitres non vendus ? “Il y a et il y aura de la place sur le marché. Sur les vins doux, les Rivesaltes, il en manque partout ; les muscats, le marché est régulé donc ce ne sont pas des problèmes. Pour les vins secs, avec les petites récoltes que nous avons, ce n’est pas non plus trop problématique” détaille Jean-Pierre Papy. Et Brice Cassagne de conclure : “Quand nous sommes entrés dans Les Vignerons Catalans en 2005, tout le monde y a cru, être aujourd’hui obligés d’en sortir est une décision lourde, alors qu’en ces temps difficiles, l’union est probablement une solution, c’est douloureux pour nos administrateurs mais la décision a été prise à l’unanimité”. Comme un constat d’impuissance ?