Véhicules “tout électrique” : les risques sécuritaires (troisième volet) [par T. Masdéu]
Bon nombre d’experts et professionnels de l’automobile émettent des réserves sur le choix politique de l’UE qui mise majoritairement sur une motorisation tout électrique pour engager, dès 2035, une mobilité décarbonée avec les nouvelles flottes de véhicules et utilitaires légers.
Sans nier qu’il est urgent d’entamer cette transition écologique pour la planète, les contestataires de la technologie actuelle qu’offre le tout électrique, n’écartent pas les solutions concernant la multiplication des énergies (carburants de synthèse, biocarburants, hydrogène, etc.) et attendent de l’ensemble des décideurs des réflexions concertées pour un arbitrage raisonné. Des souhaits qui font suite aux constatations de terrain que les professionnels de la réparation, du dépannage et de la sécurité comptent bien faire valoir. Tout d’abord, celle du renforcement de mesures concernant l’entretien du parc automobile existant. “Et si tout simplement l’alternative à la réduction des émissions de CO2 et de particules des véhicules à moteurs thermiques commençait par une incitation à leurs entretiens rigoureux ?” interroge Robert Bassols, président de la Fédération nationale de l’automobile (FNA). “La dépollution du parc automobile vieillissant permettrait déjà une avancée. Certes les contrôles techniques existent mais on devrait aussi développer le label “Éco entretien”, qui permet, par un diagnostic rapide des gaz émis, de proposer aux automobilistes des solutions afin de réduire le niveau d’émission de polluants de leurs véhicules !” Une solution qui, selon l’association “Éco Entretien”, détentrice du label, permettrait de rétablir les paramètres de combustion des moteurs essence et diesel, proches des données d’origine du constructeur.
Si l’entretien des moteurs est aussi une évidence pour Stéphane Chalmel, membre du conseil d’administration de la Fédération française de carrosserie (FFC) Mobilité réparation et services, la réponse qui permettrait de faire face aux enjeux climatiques immédiats réside avant tout dans la puissance des motorisations. “Aujourd’hui, que ce soit en thermique ou pour tout autre type de motorisation, la solution qui s’impose pour l’écologie doit passer par la sobriété ! Changeons de ligne de conduite en concevant des voitures avec de petits moteurs, avec moins de puissance en chevaux et forcément moins gourmands en consommation de carburants c’est tout ! Ça sert à quoi de vouloir à tout prix des bolides alors que des limitations de vitesse sont de rigueur ?” martèle avec fermeté ce professionnel, qui occupe aussi la fonction de président départemental des carrossiers des P.-O.
Des incendies de batteries très difficiles à éteindre
“Laissons le temps de la recherche aux alternatives avant de vouloir nous imposer le tout électrique qui présente encore des lacunes, notamment au niveau sécuritaire !” Un propos inquiétant sous forme de requête, adressé directement aux constructeurs des véhicules électriques. “Pourquoi n’ont-ils pas prévu, en cas de réparation ou de départ de feu, un système universel de manette ou de disjoncteur que l’automobiliste, le mécanicien ou les sapeurs-pompiers peuvent facilement activer afin d’intervenir en toute sécurité ?” souligne, agacé, ce professionnel. Lequel évoque également la difficile tâche que représente le refroidissement et l’extinction d’un feu du pack batteries pour un véhicule électrique et le danger que cela peut représenter si le sinistre se déclare sur une zone de parking souterraine.
Une adaptation que les soldats du feu souhaiteraient bien voir aboutir, notamment lors d’accidents de la circulation, quand ils doivent procéder à la désincarcération des occupants avec les découpages de portes, des montants du châssis et de l’habitacle. Interventions qui s’avèrent délicates, sachant qu’un câble de forte intensité pouvant aller jusqu’à 200 ampères y est présent. “C’est une difficulté supplémentaire à laquelle nous sommes confrontés avec ces véhicules dotés d’un fusible à haut voltage, compris entre 200 et 600 volts, et que certains constructeurs ne nous autorisent pas à enlever car cela désinitialiserait l’ensemble des éléments du véhicule !” témoigne, frustré, le lieutenant Christophe Igounet, sapeur-pompier professionnel au SDIS 66. “Aussi, dans les protocoles d’intervention, nous évoluons avec des gants isolants 1 000 volts et une visière de protection en cas d’arc électrique ! Pour les feux de ce type de véhicules, en règle générale, lorsque nous arrivons sur site, le fusible a déjà fondu et il nous reste qu’à effectuer la tâche d’extinction et de sécurisation de l’entourage pour éviter toute propagation. Cela demande tout de même une attaque massive en eau avec deux lances, une qui se charge du véhicule et l’autre que l’on insère dans une trappe parfois prévue à cet effet, comme chez le constructeur Renault, qui nous permet d’accéder directement au pack batteries pour le refroidir et éteindre la combustion.”
Selon des études menées en Europe et aux USA, il semblerait que la réelle suppression de la ré-inflammation (effet Phoenix) du pack batteries ne s’obtiendrait que lorsque le véhicule est immergé durant plusieurs heures (de 72 à 100 heures environ) dans un volume important d’eau. Devant la problématique des feux de véhicules électriques, qui pourraient vite devenir la bête noire des SDIS, la société BEHM a présenté, le mois dernier, la première cellule d’intervention française du genre, développée en partenariat avec le SDIS 57. Un moyen de lutte qui vient renforcer, chez les sapeurs-pompiers, les protocoles de formations aux véhicules à énergies alternatives.