Véhicules “tout électrique” : 2035, à tort ou à raison ! [par Thierry Masdéu]

Lors de la session du 8 juin dernier, les députés du Parlement européen ont exprimé par 339 voix pour, 249 contre et 24 abstentions leurs positions relatives aux règles visant à réviser les normes de performances des émissions de CO2 pour les voitures de particuliers et utilitaires légers neufs.

Un texte qui constitue le mandat de négociation du Parlement avec les États membres pour atteindre, d’ici 2035, avec ces types de véhicules, une mobilité routière à zéro émission de CO2 sur le territoire de l’Union européenne (UE). Une volonté de son Parlement qui s’inscrit dans le cadre du paquet “Ajustement à l’objectif 55” avec un palier intermédiaire en 2030 qui fixerait la réduction des émissions à 55 % pour les véhicules légers et à 50 % pour les utilitaires. Projet ambitieux qui, selon l’eurodéputé néerlandais, Jan Huitema, rapporteur du texte pour la commission parlementaire sur les émissions de CO2 des voitures et camionnettes, est primordial pour atteindre la neutralité climatique d’ici à 2050. “Avec ces normes, nous apportons de la clarté pour l’industrie automobile et stimulons l’innovation et les investissements pour les constructeurs. En outre, il reviendra moins cher pour les consommateurs d’acquérir et de conduire des véhicules à émission nulle” a déclaré, dans un communiqué de presse, ce membre de “Renew Europe” (RE), troisième groupe politique qui détient, entre autres, avec “La République en Marche” (LaREM), 97 sièges à l’hémicycle européen. “Je suis ravi de voir que le Parlement soutienne une révision ambitieuse des objectifs à l’horizon 2030 et un objectif porté à 100 % d’ici à 2035 !” Cette date butoir devrait donc signifier la fin de la production et de la vente de véhicules à moteur thermique, essence, diesel et même hybrides, sauf quelques exceptions, via amendements pour certains constructeurs (majoritairement de grands noms de firmes italiennes).

Moteur d’un véhicule électrique

“Une hérésie”

Même si cela doit au préalable faire l’objet de négociations avec les États membres de l’UE, le parti pris de miser sur l’énergie électrique comme source majeure de propulsion pour les véhicules est une hérésie pour Robert Bassols, président de la Fédération nationale de l’automobile (FNA). “Tout d’abord, la question qui se pose est : où est l’intérêt et pour qui ?” s’interroge-t-il, face aux fournisseurs d’énergie et au marché des batteries automobiles rechargeables à base de lithium que Paméla Coke-Hamilton, directrice du commerce international de la CNUCED (Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement) évalue à plus de 58 milliards de dollars d’ici à 2024 (il n’était estimé qu’à 7 milliards de dollars en 2018). “Nous sommes tous d’accord que des mesures doivent être prises pour l’avenir de l’humanité, mais agir sans prendre suffisamment en compte tous les enjeux économiques, écologiques, éthiques et aussi de risques que représente par exemple l’extraction des terres rares à la fois pour la planète et l’exploitation des hommes à cette tâche, ne me semble pas être un choix judicieux en privilégiant majoritairement l’électricité à d’autres alternatives énergétiques !” mesure Robert Bassols.

Dépendance

Lequel regrette également de la part du législateur le manque de concertation. “Aucune instance, aucun ministère ne nous a réunis ou consultés pour que nous puissions émettre notre avis ! Par exemple, au niveau de l’empreinte carbone la plus basse, les véhicules hybrides diesel ou essence qui s’auto-rechargent automatiquement, et non pas sur prise de courant, sont pour l’instant, de tous les dispositifs réunis existants à travers le monde, les moins contaminants ! On souhaite arrêter le thermique au moment où celui-ci est le plus performant et surtout on crie haro sur le diesel alors qu’il est actuellement l’un des combustibles les plus abouti !” s’indigne avec étonnement le représentant national des professionnels de l’artisanat automobile, qui met aussi en garde sur l’erreur à ne pas renouveler comme au début du XXe siècle. “Il y a 120 ans, nous avons fait une bêtise en misant sur le pétrole comme seule énergie pour les carburants et là, on s’apprête à faire de même avec l’électricité, alors que l’on en a pas les capacités ! En 2021, j’avais dit au gouvernement que s’il supprimait une énergie fossile pour la remplacer stricto sensu par une seule autre, il pourrait, dans un proche avenir, afficher un bilan carbone désastreux !”

Sujet passionnant et passionné, qui nous concerne tous et dont voici l’aperçu avec ce premier volet. Au fil des prochaines publications, d’autres interlocuteurs essayeront de nous éclairer afin de mieux nous aider à comprendre et à appréhender ce tournant majeur sur la mobilité routière de demain.

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