Un musée entre les monts [par Samy Celik]

Situé au cœur de la Cerdagne depuis plus de 33 ans, le musée du même nom propose tout au long de l’année des expositions et des animations variées, allant des machines agricoles aux photographies, en passant par l’accueil d’événements et de concerts.

Le musée permet, à travers son bâti, ses collections et son jardin potager d’altitude, de comprendre les multiples facettes du territoire cerdan et son évolution du passé à aujourd’hui. Nuit des Musées, rendez-vous aux jardins, ventes de vins, spectacles ; le petit musée est devenu un espace culturel d’échange et de transmission des connaissances du patrimoine cerdan.

Musée-ferme, musée-frontière

La thématique de la frontière est l’élément fondateur et le thème principal du musée. Pour Alexandre Brisset, médiateur du patrimoine : « on parle ici des frontières historiques, géographiques et administratives. Le but étant de montrer et de faire comprendre aux visiteurs comment ce territoire s’est divisé. Via, par exemple, la salle “frontière” on développe tout cet historique. In fine, on essaie d’expliquer ce qu’est le territoire de Cerdagne. »
Avec plus de 12 salles explorant des thématiques aussi diverses que variées, l’espace offert aux expositions retrace les siècles d’histoire que la Cerdagne a connu, comme l’explique Alexandre : « On a divers espaces thématiques : la salle frontière, la salle consacrée à l’exposition permanente “contrebande”, une salle dédiée au travail du bois, une salle pour les expositions agricoles, l’ancienne bergerie, l’étable pour montrer au public les objets liés à la fenaison, une bergerie pour les objets se rapportant à la production laitière, les anciennes écuries où l’on peut admirer des araires et des jougs d’époque, la salle du bas dédiée à l’exposition de gourdes catalanes traditionnelles, une cuisine d’autrefois entièrement reconstituée, ainsi qu’un fournil historique encore fréquemment utilisé lors d’événements. »

Une histoire pluricentenaire

Aussi appelé par les anciens « Cal Mateu » (« chez Mathieu » en catalan-ndlr), la ferme naît en exploitation au XVIIe siècle. Le domaine appartenait alors à la famille Sicart. Pendant plus d’un siècle, cette famille va prendre la charge de « viguier », sorte d’officier de justice subalterne qui, dans le midi de la France, avait les mêmes fonctions que les prévôts royaux dans les autres provinces. À la fin du XVIIIe siècle, la révolution fait disparaître le statut (et les privilèges qui vont avec). Nous sommes alors en 1811 et c’est la famille Riu qui reprend l’exploitation. 170 ans plus tard, en 1982, la mairie de Sainte-Léocadie rachète les lieux. Petit à petit, la ferme se transforme : elle obtient la labellisation Monument historique en 1984, commence doucement à exposer des machines agricoles de diverses époques dans les années qui suivent et, en 1992, c’est l’ouverture officielle du musée. Viendra ensuite la consécration puisqu’en 1997, le lieu bénéficie de la classification « Musée de France ».

Jardinage au musée

Lieu polymorphe, le musée-domaine abrite en son sein un vaste jardin potager d’un genre bien particulier. La parcelle qui jouxte le bâtiment, cultivée depuis plus de 20 ans, accueille toute sorte d’animations, comme l’explique Anaïs Lohmann, la paysagiste qui s’occupe du jardin : « tout au long de l’année, on accueille les scolaires pour des visites sensorielles, mais on peut aussi organiser des visites sur demande : par exemple, cette année, le lycée du Mas Blanc à Bourg-Madame voudrait installer un jardin chez eux, ils nous visitent régulièrement et nous demandent conseil. »
En plus d’être un lieu d’échange et d’apprentissage, le jardin est lui aussi un conservatoire qui héberge des espèces végétales historiques. Des dizaines de légumes, tous cultivés il y a des siècles et dont certains ont été un peu oubliés, sont présents dans le potager : « on a ici de la livèche, de l’oseille, du raifort, de la scorsonère, du topinambour et de l’oignon rocambole. On cultive aussi une vaste collection d’une trentaine de variétés de tomates et 17 variétés de pommes de terre, le seigle, l’orge, du blé poulard et du blé touzelle » précise la paysagiste. Sans oublier les lapins, les poules et le chat qui peuplent cet espace.

Samy Celik

Art Roman transfrontalier

Alexandre Brisset présente l’exposition, qui mêle desseins et photographies.
(Photo : Samy Celik)

Depuis novembre dernier et jusqu’au mois d’avril 2025, l’exposition Art Roman en Catalogne de l’historien et photographe Michel Demier a pris ses quartiers dans le musée. Transfrontalière, l’exposition montre quantité de photos où s’entremêlent figures mystiques, monstrueuses et motifs floraux chers aux tailleurs de pierres médiévaux. Les personnages photographiés traduisent bien l’imaginaire du Moyen-âge et surtout le partage des savoir-faire et des thématiques des deux côtés de la frontière.
De fait, ces œuvres romanes partagent des points communs : elles montrent comment les grands centres artistiques du monde roman catalan étaient, d’une certaine manière, reliés par des voies et des figures emblématiques des XIe et XIIe siècles.

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