Un label pour les nuits étoilées [par Samy Celik]

Le Parc naturel régional des Pyrénées Catalanes investit dans la qualité de son ciel. Pour lutter contre les pollutions lumineuses, le parc organise des actions et des discussions auprès des habitants et des élus dans toute la zone.

Depuis 2019, le parc a créé un nouveau poste au sein de son équipe : chargé de mission valorisation du patrimoine géologique et ciel étoilé. Orian Batigne, le chargé de mission en question (et astronome amateur), travaille au quotidien avec l’ensemble des partenaires du parc pour améliorer la qualité du ciel étoilé.

Actions

Pour contrôler la qualité du ciel du parc, Orian s’appuie sur un travail d’observation et de collecte de données extrêmement rigoureux : « on va placer un petit boîtier dans un tube étanche d’une petite vingtaine de centimètres, qu’on installe ensuite à des points stratégiques dans le parc, en l’occurrence à Taurinya, à Mantet et Nyer. Le petit appareil logé dans le boîtier (un indicateur de qualité de ciel – ndlr) va suivre en continu la luminosité sur une période donnée – un cycle lunaire – de manière à pouvoir mesurer l’obscurité nominale d’un lieu. » En multipliant ces mesures, Orian peut observer avec une plus grande précision la pollution lumineuse sur une très grande partie du territoire.

Pour les humains et pour les bêtes

La lumière est, dans les villages et dans les villes, systématiquement associée à la sécurité. Un cliché qu’aimerait bousculer un peu Orian : « j’ai un exemple assez éloquent qui me vient en tête : à Puymorens il y avait pas mal de trafics sur les parkings et maintenant, en faisant de l’extinction, il n’y a vraiment plus de trafic, parce qu’il est compliqué de mener une transaction ou une discussion dans le noir total, a fortiori quand la seule chose qu’on voit au milieu d’un parking, c’est deux paires de phares ! Autre point intéressant : le premier facteur d’accidentologie, c’est la vitesse, et si on est dans le “noir” on roule nécessairement moins vite. »

Outre les aspects qui touchent directement l’humain, la pollution lumineuse est un désastre pour la biodiversité : « chez de nombreux insectes, on observe un phénomène qu’on appelle la phototaxie – la capacité qu’a la lumière de modifier les comportements des espèces. Les exemples sont très nombreux, on a le bousier qui se repère grâce à la voie lactée, des espèces de papillons qui, au lieu de migrer, meurent d’épuisement autour d’un lampadaire » explique le scientifique, avant de poursuivre : « tous ces comportements ont une conséquence directe sur la chasse et la prédation. Tous ces insectes qui tournent autour des lampadaires vont être sur-prédatés par certaines chauves-souris (comme la pipistrelle d’Europe par exemple), par contre, d’autres espèces de chauves-souris (qui sont repoussées par la lumière) vont très rapidement se retrouver privées de leur accès à la nourriture. »

L’observation astronomique dépend de la pollution lumineuse, mais aussi de la météo. (Photo Samy Celik)

Bénéfices aux territoires

Escaro, Conat, Souanyas, Nohèdes, Valmanya… Plusieurs communes ont déjà organisé avec le PNR des discussions sur leurs éclairages publics ou privés. Orian organise ces soirées sous forme d’apéritifs pour entendre et comprendre les liens et la vision que les gens ont de la nuit. Les citoyens des villages, remis au centre du débat, ne sont pas plus apeurés que ça par l’obscurité : « ce qui remonte de manière récurrente c’est que, au final, les élus ont plus peur de la réaction des habitants que les habitants de la nuit » – s’amuse l’astronome, qui poursuit : « à la suite de cet apéro, on fait une soirée observation astro ou planétarium, le but étant à chaque fois que les habitants profitent vraiment de la nuit et de l’obscurité. »
La pureté d’un ciel étoilé devient bien souvent, pour les parcs qui sont labellisés, un gros facteur d’attractivité. Un exemple de succès de la démarche se trouve de l’autre côté de l’Atlantique avec la réserve naturelle du Mont Megantic au Canada. Labellisé depuis 20 ans, le ciel étoilé de cette réserve a créé 116 emplois et plus de 14 millions de dollars annuels de retombées économiques. Il y a donc toute une offre touristique, scientifique, culturelle et événementielle à créer autour de la nuit.

Samy Celik

Dark Sky, un label pour les cieux du monde

Créée en 1988 aux USA par les astronomes David Crawford et Tim Hunter, l’association Internationale Dark Sky vise à préserver et protéger l’environnement nocturne, grâce notamment à un éclairage extérieur de qualité. Active en France depuis 2024 via une antenne nationale, l’association soutient activement la mise en place de Réserves internationales de ciel étoilé (RICE). Plusieurs parcs naturels français ont déjà franchi le pas : celui du Plateau de Millevaches (Nouvelle-Aquitaine), du Pic du Midi (Occitanie), des Cévennes (Occitanie), le parc Alpes-Azur-Mercantour (Provence-Alpes-Côte d’Azur), du Vercors (Auvergne-Rhône-Alpes) et celui des Landes de Gascogne (Nouvelle-Aquitaine).
Dans le détail, cette labellisation permet aux parcs d’accueillir des évènements professionnels ou amateurs autour de l’astronomie, de conseiller les sites en cours de certification pour faciliter leurs démarches et s’adapter aux besoins spécifiques des missions menées par ces territoires ou encore de partager des ressources scientifiques avec les autres sites labellisés en France et dans le monde.

 

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