Un air de rock’n’roll de Nashville à Belleville [par Karo et Didoo]

Daniela a surgi pour le prénom d’une naissance à venir et on l’a chantée… Et bien sûr recherché l’auteur. Et quelle ne fût pas notre agréable surprise de pouvoir évoquer avec vous cet homme aux nombreuses facettes qu’est Eddy Mitchell ! Après la mort de Johnny et Dick, c’est le dernier des rock’n’roller français. Né Claude Moine en 1942 à Paris 9e, il est issu d’un milieu modeste, ses parents sont employés, l’un dans une banque, l’autre dans une société de transports de la région parisienne.

À l’adolescence, il a deux passions venues tout droit d’Amérique, le rock’n’roll et le western que lui fait découvrir son père en l’emmenant régulièrement au cinéma. Cette première passion est dévorante et, à la sortie des petits boulots qu’il exercera, il se produira avec son groupe dans des bals. Pour que “son nom fasse plus américain”, il se fera appeler Eddy Mitchell. Et c’est en 1961 que débutera sa carrière avec les “Five Rocks” renommé ensuite par Eddie Barclay “Les Chaussettes Noires”, reconnu comme le 1er groupe de rock en France ! Ils se produiront aux festivals internationaux de rock à Paris.

Puis, durant les années d’incorporation des uns et des autres, il arrivera qu’Eddy enregistre des chansons en solo et élargit son répertoire vers d’autres courants. Sa tenue vestimentaire changera aussi, puisqu’il arborera des costumes sombres, chemises et cravates. En 1964 et pour la seconde fois, il est classé par les lecteurs de  Salut les copains en 4e position derrière Hallyday, Claude François et Richard Antony. Il s’orientera vers le rythm and blues et la soul, mais le succès n’est plus au rendez-vous et il galérera jusqu’en 1974 où, après un voyage à Nashville, capitale du rock et de la country, il enregistrera dans un style country-rock succès sur succès, intégrant, après 1980, un répertoire crooner. 

L’apothéose advindra en 1994, année où Eddy donnera à Bercy un tour de chant de cinq heures. Il continuera ainsi à se produire, fera des tournées à travers la France, la Suisse, la Belgique et enregistrera en novembre 2021 son 39e album !
Parallèlement, il tournera dans plusieurs films dont “Le bonheur est dans le pré” avec lequel il obtient le César du meilleur second rôle pour son personnage de macho rustre et épicurien. Et surtout, il animera “La dernière séance” de 82 à 98. Nous nous souvenons tous de cette émission au cours de laquelle nous avons découvert ou redécouvert certains westerns, mais aussi des acteurs tels que Fonda, Wayne, Lee Marvin, Gary Cooper, etc., des réalisateurs comme l’immense John Ford et cette vision de l’Ouest, les chevaux, la poussière, les Colts et Winchesters… Eddy présentait l’émission depuis un guichet de cinéma, annonçant un dessin animé, les actualités cinématographiques d’époque, un autre dessin animé, des réclames et, enfin, le film en version originale sous-titrée. 16 ans de succès, entre le disco et le punk, et un peu d’intelligence en première partie de soirée, comme quoi le monde a bien changé.

Allez-y, écoutez, c’est génial…

Puisqu’on parle de qualité, penchons-nous sur le texte des chansons. Quand on entend “J’écoutais le disc-jockey. Dans la voiture qui me traînait, sur la route de Memphis”, le cadre est posé ; le flic, le chien, le costume avec “les pinces” et la prison qui va l’accueillir. Céline Dion a chanté “La prière païenne”, mais on se gardera bien de faire un “Boogie Woogie”  avant celle du soir. Un scénario, une histoire courte, un décor planté avec soin et précision, on ne peut pas parler de lui sans citer Pierre Papadiamandis, son parolier, 50 ans de complicité. C’est bien cela qui nous a attirés aujourd’hui, du texte, de l’écriture, pas besoin d’aller montrer ses fesses sur la scène des césars pour être reconnu, juste du travail. Il n’a pas eu besoin “d’influenceurs” ou autres débiles assimilés, il s’est nourri de Gene Vincent, Jerry Lee Lewis, Chuck Berry, Elvis Presley, Buddy Holly, Ray Charles, Eddie Cochran, Bill Haley, Everly Brothers, Carl Perkins… Et ça, c’est de la référence.

Il nous restera toujours une ou deux phrases dans la tête, la jeunesse de “À crédit et en stéréo” ou “C’est la vie mon chéri”, à fond et rock’n’roll, ses influences dans “Et la voix d’Elvis”, “Rio Grande” avec son côté film noir, le cinéma et “La dernière séance”, son amour musical dans “C’est un rocker”. Il a porté sur la vie un regard cru, on sait bien que malgré “ses yeux couleur menthe à l’eau”, c’était une prostituée avec un mac, “s’il ne rentre pas ce soir”, c’est parce qu’il s’est fait virer, quant à la vie de “Pauvre baby doll”, elle n’est pas très drôle, la séparation se trouve dans “Le café noir”, même si elle est tournée en dérision et on doit avouer que la vie de “La fille du motel”, elle est un peu triste. Plus de 250 chansons, alors, lesquelles choisir, “Le cimetière des éléphants”, évidemment, mais tant d’autres suivant l’instant.

Il faut aussi vous avouer, on vous doit bien ça, que pour faire ces articles, nous faisons une plongée immersive dans l’univers de l’artiste et, comme souvent (allez-y, écoutez, c’est génial), il y a cette ambiance de crooner, la voix grave et envoûtante selon les titres et les paroles, petites scénettes qui nous emportent à “Nashville ou Belleville”, la tristesse ou l’amour, la mélancolie ou l’envolée lyrique, quel bonheur. Nous aimons bien situer en parallèle la pauvreté de notre époque, se moquer d’Aya ou d’un produit consommable équivalent, mais là, ce n’est pas la peine, éteignez la TV, allumez YouTube, Ymusic, Amazon ou autres, mettez une sélection des meilleures chansons et fuyez pour un instant la morbidité ambiante, élections, Russie, pouvoir d’achat, n’oubliez pas l’Agri sur vos genoux et laissez-vous aller sur un blues, un rock, une ballade ou un twist, il sait tout faire ce Schmoll…

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