Sous les panneaux solaires, bientôt des truffes ? [par Yann Kerveno]

À Mousoullens, Yann Galy porte un ambitieux projet agroforestier : implanter une truffière et des cultures fourragères sous des panneaux solaires mobiles.

L’automne a fini par arriver et planter ses banderilles de froid et de brume glacée. Ce matin là, les truffières de Moussoulens sont à demi-noyées dans le brouillard et le froid pique les joues. Si l’Agri a pris le chemin des truffières, c’est parce que le domaine Galy a dévoilé un ambitieux projet de truffière photovoltaïque expérimentale… “L’idée, c’est de profiter de l’ombre des panneaux solaires pour protéger les arbres et limiter l’augmentation de la température du sol qui, au delà d’un certain seuil, tue les truffes en devenir” explique Yann Galy qui s’occupe du développement de la partie truffe du domaine familial, plutôt orienté jusqu’ici sur la vigne. Après avoir pris langue avec la Générale du solaire, “qui est comme nous, une entreprise à taille humaine”, et l’INRAe, le projet prend forme. “Nous avons un îlot de 10 hectares de friches sur le domaine qui est propice à la production de truffes et qui n’est pas exploité pour le moment, sauf avec quelques vignes que nous avons projeté d’arracher parce qu’elles ne donnent pas ce que nous attendons.” Il gratte le sol avec le pied avant d’ajouter “on est directement sur la pierre ou presque dans ce coin et les arbres y poussent spontanément.”

Avec sa parcelle expérimentale, Yann Galy espère pouvoir développer un modèle de production reproductible.

Une question de degrés

Il montre ensuite le “brûlé” caractéristique de la présence potentielle des truffes dans le sol au pied des arbres. Indéniablement, l’endroit doit pouvoir convenir. “Ce que nous voulons faire, c’est couvrir 50 % de la surface de l’îlot et planter des chênes dessous. L’entreprise calcule l’implantation pour que l’ombre profite pleinement aux arbres.” Si elle est enterrée dans le sol, la truffe n’est pas à l’abri des conséquences du changement climatique, la sécheresse et les fortes températures. “Pour la truffe, l’optimum de température c’est entre 22 et 28°C, au delà de 30°C, il ne se passe plus rien, et 30° à 10 centimètres de profondeur, si l’on considère que la température y est de 6 à 8° C de moins qu’à la surface, on comprend vite le problème avec un été comme celui que nous venons de vivre” ajoute-t-il. Une température à 40°c au sol donne au mieux 32°c à 10 centimètres, dans l’horizon des truffes…

Expérimentations

Jusqu’ici, pour lutter contre la chaleur et maintenir tout autant l’humidité nécessaire dans les sols, les trufficulteurs peuvent avoir recours à des protections, paillages ou cartons disposés au pied des arbres. C’est ce rôle que joueront les panneaux solaires imaginés par la Générale du solaire, en plus de produire de l’électricité et de générer des loyers à percevoir par le domaine. Installés sur des poteaux d’environ trois mètres de haut, ils suivront une partie de la course du soleil tout en protégeant le pied des arbres, et le fameux brûlé de l’ardeur du soleil d’été. Puisque la plateforme est prévue pour être expérimentale, elle sera équipée de capteurs qui permettront de suivre les températures mais aussi l’humidité contenue dans le sol, la quantification du mycellium. Le tout comparé avec une zone témoin sans ombre, naturellement. L’irrigation sera assurée par un bassin de 15 000 m2 qui sera alimenté en gravitaire par deux ruisseaux mais aussi par les fossés qui sillonneront la parcelle et collecteront l’eau de pluie quand elle tombera…

Et cultures associés

Le suivi scientifique, destiné à valider le mode de production, sera assumé par Agri-Truffes et l’établissement nancéen de l’INRAe dont une des spécialités est justement la recherche sur la truffe. Et à côté, parce que ce projet est aussi à tiroir, les parcelles en question serviront, dans les interrangs, à fournir du fourrage au troupeau de 50 brebis que possède l’exploitation. Soit en fourrage récolté, soit en pâturage mobile. Mais si le projet n’en est toutefois encore qu’au stade des études, pourquoi communiquer alors autant en amont ? “Pour que personne ne soit surpris et que la dimension expérimentale du projet soit bien comprise. Personne n’a jamais imaginé une telle combinaison à ce jour pour produire de la truffe” résume Yann Galy qui regarde loin devant. “Si tout se passe bien, nous pourrons planter les premiers arbres dans deux ou trois ans, quatre ans, puis il faut attendre cinq ans pour la mise à fruits et encore cinq ans, je pense, pour avoir les premiers résultats concrets de la collecte des données…” Entre temps, il a déjà trois hectares de truffiers à surveiller sur le domaine, plus la gestion pour un tiers d’une vingtaine d’hectares sur Limoux et poursuit sa carrière de consultant !
L’installation solaire sera à même de produire 13,4 GWh / an, soit l’équivalent de la consommation de 4 500 foyers environ, et permettra d’économiser 863 tonnes de CO2 par an.

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