Risques agricoles : “Se protéger et s’adapter” [par Yann Kerveno]

Après avoir œuvré dans le monde de l’assurance, François Rosenberg a créé Perma, une start-up hébergée au Soler par le Pôle Action Média. Son objet ? Aider les exploitations agricoles à diluer les risques qu’elles prennent face au changement climatique. Un sujet d’actualité.

Nous avons vécu un été anormal, que vous inspire-t-il ?
Je me souviens, en Nouvelle-Zélande, il y a une quinzaine d’années, je faisais de la modélisation de stress hydrique et je taquinais les Néo-Zélandais sur la question de l’irrigation de la vigne. En leur expliquant que c’était un truc pour vignobles du nouveau monde et que chez nous, en France, on n’en avait pas besoin, qu’on avait des terroirs, des années différentes…
Nous n’étions pas encore confrontés aux brusques évolutions que nous connaissons. Ces dix dernières années ont été impressionnantes avec une augmentation des risques qui surprend même les experts. On a vu des tempêtes centennales devenir presque décennales et, chaque année, l’agriculture française est confrontée à un accident climatique…

Comment aborder cette nouvelle donne ?
Certains phénomènes, comme la sécheresse, deviennent tendanciels et non plus accidentels. Il faut donc entrer dans une nouvelle approche qui consiste d’une part à se protéger, il y a des techniques et des outils pour cela, et d’autre part à s’adapter. La première chose, indispensable, c’est que l’exploitation, l’entreprise, soit pilotée. C’est-à-dire qu’il y ait une remise en question constante des réussites mais aussi des difficultés et dans tous les secteurs, la technique, l’agronomie, l’économie. On ne peut plus se contenter du statut quo. Ce qui a marché l’an dernier ne marchera pas forcément cette année et peut-être encore moins l’année prochaine. Et c’est un atout supplémentaire quand les exploitations sont structurellement équilibrées, c’est-à-dire qu’elles peuvent “faire du gras” quand elles ont de bonnes ou de très bonnes années…

Quels sont les outils à mettre en œuvre ?
Je considère qu’il y a quatre familles d’outils, je vous les livre sans ordre de priorité puisqu’elles sont complémentaires. Le premier que je citerai est celui de la gestion qui passe par la maîtrise des charges, un bon niveau de prix, des marges importantes, l’épargne de précaution… Le deuxième englobe tout ce qui à trait à l’agronomie, la vie des sols, le choix des méthodes de taille, la sélection des variétés, les agrosystèmes déployés dans les exploitations. La troisième famille rassemble tous les moyens de protection des cultures qui existent, contre la grêle, le gel, la sécheresse. Et enfin, la quatrième famille est constituée des outils financiers, les assurances, la discussion avec les banques… C’est la combinaison de tous ces outils qui rendra les exploitations plus résistantes au changement climatique et en assurera la pérennité économique et c’est cette réflexion et cette articulation que nous aidons à mettre en place dans les entreprises.

Habituellement, quand on parle de risque, on se repose surtout sur l’assurance justement…
L’assurance peut-être un des outils de la stratégie, mais pas le seul. L’assurance n’a pas la capacité à couvrir de faibles rendements et elle a ses limites. Elle ne peut couvrir que le risque aléatoire et pas le risque récurrent comme sont en train de le devenir, ou presque, le gel, la grêle… Ce serait en plus payer cher pour quelque chose qui n’est pas intéressant…

Les réformes en cours ne peuvent-elles pas faire évoluer cette donne ?
Non, même si les dispositifs semblent vouloir être complétés et couvrir plus de risques. Mon sentiment aujourd’hui, c’est plutôt qu’il faudrait souscrire une assurance multirisque climatique. Pour faire une comparaison triviale, quand vous assurez une voiture, vous n’assurez pas l’aile droite au détriment de l’aile gauche et la première chose que vous regardez, c’est que le conducteur soit bien protégé. Après, si les outils de protection sont bien en place, on peut effectivement procéder différemment en n’assurant qu’une partie.

Vu la rapidité du changement, n’est-il pas déjà trop tard ?
Non, il n’est jamais trop tard. Il faut se rappeler que personne ne sait vraiment ce qui va se passer, même les professionnels de la modélisation se font surprendre. Personne n’a anticipé la rudesse de la sécheresse de cette année. Alors, il est vrai, les agriculteurs s’inscrivent dans le temps long, on ne peut pas tout changer du jour au lendemain mais il y a toujours moyen d’ajuster pour amortir les chocs à venir. C’est de l’observation et de l’ajustement en continu.

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