Politique agricole commune : et le gagnant est… Écologiste ! [par Jean-Paul Pelras]
N’en déplaise aux députés européens Biteau, Jadot et Andrieu, pour ne citer que ces détracteurs de la PAC telle qu’elle vient d’être adoptée dans une mouture plus verdoyante que jamais, les environnementalistes, à force de lobbying et de débats citoyens, ont fini par obtenir ce qu’ils souhaitaient. Autrement dit, affaiblir l’agriculture conventionnelle.
Christiane Lambert, présidente de la FNSEA aura beau se satisfaire du verre à moitié plein car le budget à l’échelle européenne, pour les 5 ans à venir et malgré une baisse de 2 %, avoisine encore 387 milliards d’euros, l’érosion du modèle agricole actuel semble inéluctable.
Les concessions faites aux écologistes, qui se mobilisent depuis des années pour stigmatiser les pratiques champêtres, ont permis à ces derniers de progresser sur les arpents de la contrainte. Avec les Plans stratégiques nationaux (PSN), dispositifs nouvellets obligeant les États membres à montrer patte blanche quant à l’utilisation des fonds européens, l’objectif est clairement défini : s’assurer que la baisse de 55 % des émissions de CO2 soit respectée à l’horizon 2030, que d’ici cette date l’usage des pesticides soit divisé par deux, que 25 % des surfaces agricoles soient dédiées au bio avec la mise en place d’écorégimes conditionnés à des aides directes. Si ce n’est pas un plébiscite pour les verts, cela y ressemble tout de même un peu.
En revanche, concernant leur compétitivité, nos agriculteurs français ont du souci à se faire. Nonobstant les considérations économiques de la PAC qui intriguent l’ensemble des bénéficiaires, y compris ceux qui du côté des écologistes paysans ne refusent pas le virement dès qu’il tombe sur leurs comptes en banque vers la mi-octobre, il faut se demander ce que deviendront nos campagnes le jour où l’importation de denrées agroalimentaires viendra usurper une production française devenue déficitaire. Il ne s’agira plus alors seulement de savoir qui gagne quoi avec des aides défendues bec et ongle par certains secteurs d’activité et autres obédiences depuis plus d’un demi-siècle. Pour avoir siégé au conseil d’administration du Centre national des Jeunes Agriculteurs au cœur des années 90, alors que Christiane Lambert était présidente de ce syndicat, je peux affirmer sans trembler que la culture du partage n’est pas la spécialité de la maison. Les secteurs fruitiers, légumiers et viticoles ne pouvant prétendre aux aides directes, maraichers et arboriculteurs du Midi de la France confrontés au dogme des importations déloyales ne sont jamais parvenus à obtenir, disons-le clairement, une part du gâteau susceptible d’atténuer leurs pertes.
Dans 5 ans, que restera-t-il de cette PAC ?
Notons que si la FDSEA et les JA ont laissé courir en abandonnant à leur triste sort les agriculteurs du Midi, la Confédération Paysanne n’a guère brillé par sa présence dès qu’il s’agissait de contrôler les marchandises, au parcours pourtant si peu écologique, en provenance d’Andalousie ou du Sahara occidental.
Résultat des courses, si les aides sont indispensables au maintien de l’économie agricole, et les secteurs fruitiers et légumiers le savent mieux que les autres pour ne pas en avoir bénéficié, le maintien et le développement de toutes les productions le sont tout autant dans un contexte où la perte de parts de marchés est souvent irréversible. En d’autres termes et que le cas malheureux des producteurs catalans, provençaux ou bretons puisse servir d’exemple, il ne faut rien concéder à ceux qui pensent, sans connaître de l’outil ni l’usage ni le prix, qu’il faut opter pour un modèle moins productif et soi-disant plus vertueux.
La Politique agricole commune est donc sauvée pour cette fois, mais elle est condamnée à court terme car la réduction des intrants va inévitablement entrainer une baisse des rendements. Elle est condamnée car impopulaire et vouée à la vindicte du contribuable de plus en plus sensible aux discours environnementalistes. Dans cinq ans, que restera-t-il de cette PAC quand les ONG et les partis écologistes, confortés dans leurs idéologies par une médiatisation excessive de leurs causes, seront parvenus à faire accepter une bonne fois pour toutes le Green deal européen ?
À ce moment là, la question ne sera plus de savoir dans quelle proportion et avec quels mécanismes les agriculteurs seront encore aidés pour cultiver. Elle sera tout simplement de savoir si, considérant les contraintes imposées, ils y seront encore autorisés.