Passa : objectif 50 000 hectolitres [par Yann Kerveno]
En entrant dans le giron des Celliers du Soleil, la cave de Passa a consolidé la plus importante cave coopérative de la région. Premier bilan après deux vendanges.
Tout commence par un questionnement. “Notre directeur nous a annoncé son départ et il fallait trouver une solution” se souvient Laurent Girbau, alors président de la cave coopérative du village. Cave qui produit alors 6 000 hectolitres par an. On est fin 2020 et le contexte n’est pas florissant. “Sincèrement, nous n’avions pas les volumes pour justifier un emploi de directeur, alors j’ai fait le tour des caves du département, celles à proximité, Terrats, Pollestres, Saint-Génis, pour proposer un rapprochement mais il n’y a pour ainsi dire pas eu de réaction” poursuit-il. “C’est là que je me suis rapproché de la cave de Cuxac d’Aude. C’est une entreprise qui sourçait déjà beaucoup de raisins dans le département, l’équivalent de 10 000 hl, pour vinifier dans ses chais audois. Je leur ai proposé de vinifier chez nous, c’était assez logique…” La cave audoise était par ailleurs déjà engagée dans un processus de fusion avec ses “voisines” de Portels des Corbières et de Bizanet et cherchait un site à consacrer au bio. L’occasion faisant le larron, c’est Passa qui sera retenue.
20 euros de plus à l’hectolitre
“Tout est allé progressivement ensuite, nous avons fait notre première vendange commune en 2021 pour aboutir à la fusion définitive en juillet 2022” détaille celui qui est aujourd’hui vice-président des Celliers du Soleil. De quoi permettre à la nouvelle cave, avec ses trois renforts, de passer de 180 000 hl en 2021, année de gel, à 330 000 hl en 2022. “Cette fusion a été motivée par les économies d’échelle, c’est pour nous 13 euros de charges en moins à appeler à nos adhérents et cela permet de leur retourner au total 20 euros de plus à l’hecto, c’est énorme pour les vignerons et j’ai conduit ce projet en pensant aux revenus des vignerons de la cave.”
Dans l’ensemble, le projet a reçu l’assentiment des vignerons. Le bâtiment a été scindé en deux pour accueillir d’un côté les raisins issus de parcelles conventionnelles, un tiers de la production des adhérents de l’ancienne cave de Passa, et de l’autre les raisins bio. “J’ai perdu quelques adhérents, d’autres sont venus” ajoute-t-il.
En 2022, la cave de Passa a donc vinifié 35 000 hectolitres de vins bio pour les Celliers du Soleil. “L’objectif c’est de parvenir à 50 000 hectolitres pour le site.” Des aménagements sont d’ailleurs prévus pour accueillir cette masse nouvelle de raisins en polybenne qui seront réalisés dans les mois qui viennent. Et la cave est en recherche de talents pour accompagner les vinifications ! “Nous cherchons en effet des œnologues, des cavistes, qui souhaiteraient s’investir dans ce projet !”
Le bio ? “Cela ne change pas grand-chose pour nous”
Mais n’est-il pas risqué de miser sur le vin bio aujourd’hui alors que tous les feux sont à l’orange, voire au rouge ? “Non, pour notre territoire, le vin bio reste une vraie opportunité” estime encore Laurent Girbau. “Le marché a changé. Jusqu’ici, ce qui rassurait les consommateurs, c’était l’appellation d’origine, aujourd’hui, c’est le logo AB qui les rassure. Cela peut faire une grosse différence par rapport à des productions en IGP à 80 ou 90 hectolitres à l’hectare, mais sur nos territoires d’AOC, avec les rendements que nous avons, cela ne change finalement pas grand-chose” plaide-t-il.
“Aujourd’hui, quand on fait du vrac comme nous, les Celliers du Soleil sont un spécialiste du vrac, le prix du vin reste le prix du vin, le seul curseur sur lequel nous pouvons jouer, ce sont les charges…” Et plus on peut les réduire, mieux l’on s’en sort. “Au-delà de l’histoire de la cave elle-même, ce choix est un projet de territoire. Retourner 20 euros de plus aux adhérents permet d’envisager plus sereinement de conserver des vignes ici.”