Parce que rien n’est jamais simple 2022 – #32 [par Yann Kerveno]
46 % du continent affecté
La sécheresse ne sera pas qu’une question franco-française cette année, mais bien une question continentale. Après le fort coup de chaud de la mi-juillet qui a traversé l’Europe du Sud-Ouest vers le Nord-Est, éreintant l’Espagne et le Portugual, la France, mais aussi le Royaume-Uni et jusqu’aux pays nordiques en passant par l’Allemagne, c’est 46 % du territoire européen qui était en situation de sécheresse, et 11 % étant en alerte haute. L’impact sur les cultures sera important en France, mais aussi en Espagne, au Portugal, en Grèce ainsi qu’en Roumanie et en Hongrie a prévenu le Joint Research Center de la commission européenne dans un rapport rendu public le 18 juillet. Une sécheresse qui pourrait, indique le rapport, réduire à néant tous les efforts entrepris pour tenter d’atténuer l’impact de l’absence des productions ukrainiennes sur le marché à cause de la guerre menée par la Russie.
Un été de feu
Nos voisins espagnols ont d’ailleurs payé un lourd tribut à cette deuxième vague de canicule survenue en juillet, avec des dizaines de décès et des incendies sans commune mesure avec ce que nous connaissons malheureusement en France. Depuis le début de l’année ce sont 200 000 hectares qui sont partis en fumée, 11 fois les surfaces de forêt détruites en Gironde fait remarquer Serge Zaka sur twitter. Contre une moyenne d’environ 65 000 hectares brûlés entre 2006 et 2021. En France, le total des surfaces brûlées atteignait 40 000 hectares au 20 juillet dernier pour une moyenne annuelle d’environ 10 000 hectares pour la même période. Et nous ne sommes que fin juillet, sans signe que la sécheresse et la chaleur s’évacuent dans les toutes prochaines semaines.
Et le pastoralisme
Mais revenons en Espagne, qui enregistre sa pire année, dépassant même 2012, où les syndicats agricoles mettent en cause la désertification rurale dans le développement des incendies. Dans le pays, 32 villages ont dû être évacués à cause des risques d’incendie depuis le début de l’été. Les syndicats appuient sur le rôle essentiel du pastoralisme, seul à même de réduire le combustible qui s’accumule de 90 %.
Victimes collatérales ?
La guerre en Ukraine, on a malheureusement eu le temps de s’en apercevoir, perturbe bien au-delà du marché des céréales dans le monde entier et les dernières victimes en date pourraient bien être les légumineuses. En effet, si elles sont plébiscitées par les diététiciens et les agronomes, les lentilles et autres pois pourraient se voir grignoter grandement la sole par les céréales et les oléagineux, histoire de compenser ce que l’Ukraine ne pourra pas produire ou exporter. Et ce d’autant que le changement climatique va déjà provoquer une baisse de 20 % de la récolte mondiale de pois chiches. Alors qu’avec la hausse du prix des engrais, les légumineuses auraient pu largement tirer leur épingle du jeu.
Le Brésil fonce sur le maïs
Pendant que les producteurs de maïs et de soja européen s’emportent de la décision de l’Union de barrer ces deux cultures de la récupération des 4 % de jachères (en réponse à la guerre en Ukraine), les producteurs brésiliens s’en donnent à cœur joie. Les estimations de semis pour la campagne 2022-2023 tablent sur 22,5 millions d’hectares, 800 000 hectares de plus que lors de la dernière campagne et les exportations pourraient atteindre 46,5 millions de tonnes, deux millions de plus que l’an passé.