Parce que rien n’est jamais simple 2022 – #10 [par yann Kerveno]
Des temps troublés
La récolte de pommes est annoncée en recul cette année dans l’hémisphère Sud, autour de 7 %, en particulier à cause de la contre-performance des vergers brésiliens et argentins. C’est aujourd’hui, finalement, un des risques majeurs qui pèsent sur l’agriculture mondiale et la sécurité alimentaire, dans le contexte que nous connaissons. Avec : une guerre qui occupe deux acteurs majeurs du marché mondial des céréales ; l’arrêt du commerce du blé en provenance de la mer noire (Ukraine et Russie représentant 29 % de la production mondiale de blé, 18 % de celle de maïs, l’Ukraine 80 % des importations européennes d’huile de tournesol).
Et en Ukraine ?
En Ukraine, le monde agricole tente de continuer à travailler. Les semis de printemps se préparent dans des conditions difficiles mais, pour l’heure, les stocks doivent permettre aux Ukrainiens de manger, nonobstant bien entendu des difficultés d’approvisionnement. Sur l’application Telegram, le ministre de l’Agriculture ukrainien annonçait jeudi dernier
que les stocks de blé utilisables dans le pays s’élevaient à 3,7 Mt, soit plus d’une année de consommation. Pour l’heure, le risque de pénurie semble écarté, à court terme, même dans les pays les plus fragiles et dépendants des importations. L’Algérie annonce pouvoir compter sur six mois de réserves, l’Egypte annonçait mi-février disposer de 5,4 mois de stocks… Mais le disponible, les céréales qui restent en stock sans être engagées par un contrat, sont déjà chose rare.
Les prix flambent
Face à l’incertitude, les marchés sont d’une extrême nervosité. La semaine passée, les prix du blé meunier à terme ont atteint 350 euros la tonne sur Euronext et 300 pour les échéances de juillet. Et la question cruciale qui se pose aujourd’hui c’est de savoir si les blés (et tournesols) ukrainiens et russes, seront sur le marché lors de la prochaine campagne. Et là, rien n’est moins sûr. Ni en quantité, ni en qualité, puisque si le marché mondial se trouvait démuni face à un accident climatique dans une des grandes zones de production, il faudra aussi compter avec la flambée des prix de l’engrais et des conséquences qu’elle pourrait avoir sur les rendements…
L’Europe revoit sa doctrine
Dans son évaluation de la situation la semaine passée, le conseil informel des ministres européens de l’Agriculture a pris la mesure des enjeux. Les mesures envisagées seront discutées le 21 mars prochain, lors du prochain conseil formel. Ont été évoqués plusieurs points importants, l’activation des outils de gestions de crise alimentaire et agricole, en particulier sur le porc, secteur en grande difficulté. Les ministres ont également prévu d’adapter l’organisation commune de marché au contexte, en particulier pour les filières les plus exposées aux hausses de prix des intrants et renforcement de la capacité européenne à produire en mobilisant par exemple les jachères. Et enfin, ils se sont accordés pour garder un œil très attentifs sur la situation des pays du pourtour méditerranéen. Sachez pour finir qu’un agriculteur australien a trouvé le remède miracle pour se passer du glyphosate dans ses cultures. Il emploie des… cochons d’Inde !