Medfel : peut-on encore clamer qu’on est bio ?

Alors que la reprise de la consommation s’amorce, les magasins spécialisés changent d’approche et ne crient plus sur tous les toits qu’ils vendent du bio…

Peut-on encore clamer qu’on est bio ? La question, volontairement provocante, mais elle s’est imposée un peu d’elle-même lors de la table ronde organisée sur la distribution spécialisée bio au Medfel la semaine passée. Et ce sont les distributeurs eux-mêmes qui ont mis les pieds dans le plat en expliquant dans le détail comment ils avaient évolué avec la crise. Comment ils avaient bougé les lignes habituelles de leurs magasins pour ne pas trop perdre de parts de marché… En arrêtant de clamer qu’ils étaient bio.

« Dire qu’on est bio ne suffit plus aujourd’hui » lançait Julien Tanter, directeur du réseau Naturalia, en détaillant le chemin pris par son réseau aux 200 points de vente pour surmonter la crise « parce que le bio a une image un peu austère, pas très fun. » Directeur de Biofrais, une enseigne pour l’instant implantée dans les Alpes, Bertrand Chaveron ne disait pas autre chose, « nous essayons de décomplexer le bio, de sortir de l’argument, si tu ne manges pas bio tu vas être malade et tu vas salir la planète. »

L’ancien beau gosse du lycée

Autre format, mais réflexion identique pour Charly Lassale qui possède un petit magasin du côté de Montpellier et membre du réseau Accord Bio qui fédère des structures très diverses, de 100 à 1 000 m2. « Le bio, c’est un peu comme le beau gosse du lycée quand nous y étions, mais aujourd’hui, il a cinquante ans, une calvitie, il a du mal à séduire… Alors nous ne communiquons plus là-dessus. » Confrontées à la crise, les deux enseignes Naturalia et Biofrais ont donc revu leur manière de faire. « Nous nous sommes recentrés sur deux piliers, la santé et le plaisir » témoignait le directeur de Naturalia « nous essayons d’avoir des magasins plus ludiques, plus vivants. Nous faisons la part belle aux produits bruts, dans le nouveau concept de magasins que nous déployons dans notre réseau, ce que nous appelons « les fermes », les fruits et légumes sont mis à l’entrée. » Pour l’heure, 17 points de vente ont bénéficié de cette refonte, ils seront 30 à la fin de l’année. Et les résultats sont là. « Nous recrutons des consommateurs qui sont des profanes du bio, mais sur les points de vente rénovés, on est à 17 % de croissance en trafic client et 15 % en chiffre d’affaires » explique Julien Tanter.

Pas forcément plus cher

Si le réseau Bio frais est plus modeste, cinq magasins pour l’instant, l’analyse est semblable. « Nous avons changé pas mal de choses en effet ces derniers mois dans notre approche. Nous parions d’abord sur le plaisir, la dégustation du produit et ensuite sur le bio » ajoutait Bertrand Chaviron. L’enseigne planche actuellement sur l’ouverture d’un sixième point de vente, toujours en Haute-Savoie et compte bien s’installer hors de son département d’origine dans les mois qui viennent. Le montpelliérain Charly Lassale insistait aussi sur l’image des prix des produits bios, souvent perçue comme bien plus élevés que les produits conventionnels. « Mais si on s’approvisionne localement, chez moi c’est 30 à 40 % de l’offre, on arrive à être compétitif et voire parfois moins chers que le conventionnel. »

Yann Kerveno

Fin de crise ?

L’année 2024 marque, au moins chez les distributeurs spécialisés, le début du redressement avec des chiffres d’affaires et des fréquentations en progression. À périmètre constant, Biocoop est à + 8,5 %, La Vie Claire à + 8 % et Naturalia à + 4,7 %. Une tendance confirmée au premier trimestre de cette année, Naturalia étant à + 8 % en trafic et + 7 % en chiffre d’affaires. Et tous les participants de la table ronde s’accordaient pour dire que c’est le trafic en magasin qui tire le chiffre d’affaires plus que le panier moyen.

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