Matières premières : la guerre des “Chips”  vient de commencer ! [Par Thierry Masdéu]

Comme nous l’évoquions la semaine dernière, entre l’augmentation du prix des matières premières et la raréfaction de containers disponibles pour l’acheminement maritime de produits importés d’Asie, les industries dépendantes de la zone Europe accusent de sérieux retards sur les chaînes de production.

C’est le cas des secteurs de l’automobile ou de l’agroéquipement qui éprouvent des difficultés à établir des grilles tarifaires et à communiquer des délais de livraison sur les nouveaux modèles. Si l’instabilité du prix des métaux est une des causes, ce qui grippe les rouages des industriels du secteur est dû à la pénurie de semi-conducteurs “Chips” qui équipent de plus en plus les véhicules et tracteurs pour la gestion des moteurs, de l’ABS, calculateurs de bord, de SCR, géolocalisation, assistance aux fonctions de conduites, d’utilisations d’outillages, etc. Cette situation s’explique par le monopole d’uniques fabricants de puces électroniques comme le Taïwanais TSMC, leader mondial, le Coréen Samsung ou l’Américain Intel, qui priorisent leurs productions pour des marchés plus rémunérateurs comme celui de la téléphonie 5G, des ordinateurs, de l’armement ou des consoles de jeux. Sans parler de la guerre géopolitique lancée il y a plusieurs mois par l’ex-président des USA, Donald Trump à l’encontre de la Chine de Xi Jinping, en interdisant aux fabricants de vendre au géant chinois tous composants électroniques intégrant des éléments technologiques made in USA.

Délais de livraison estimés à 6 mois

Pour y faire face, l’économie chinoise, pénalisée et déficitaire dans ce créneau où elle manque de fabricants, fondeurs et façonneurs de semi-conducteurs, a priorisé l’expansion fulgurante de son marché intérieur et temporisé l’exportation de ces produits. Veto qui a déstabilisé les prix et contribué, sur les marchés internationaux, à la pénurie de ces “Chips”. “Sur les chaînes de fabrication de voitures neuves, il y a un manque d’approvisionnement sur tout ce qui touche essentiellement les pièces électroniques et, pour certains modèles, les délais de livraisons sont estimés à 10 mois !” souligne, inquiet, Robert Bassols, le tout nouveau président de la Fédération nationale de l’automobile (FNA). “La fabrication de certains types de véhicules est stoppée et le manque de semi-conducteurs a même entrainé, chez certains constructeurs, la modification de leurs chaînes de production, où ils ont supprimé certaines fonctions sur les véhicules pour pouvoir les livrer !”

Jérôme Reynier, directeur général de la Société nouvelle CIAM.

Si les pièces détachées ne semblent pas pour le moment accuser de pénurie, en revanche, le président de la FNA constate une augmentation sur tout ce qui est produits pétroliers, comme les huiles de moteurs, de boîtes à vitesses qui ont subi, au 1er septembre, une hausse de + 6 %. Chez les concessionnaires de tracteurs vigne et verger l’autre facteur pénalisant, qui se greffe aux pénuries, concerne la nouvelle norme antipollution Stage V, applicable dès janvier 2022. Les constructeurs qui ont pour obligation de produire ces nouvelles motorisations qui réduisent le rejet de particules d’oxyde d’azote (NOx) trainent un peu des pieds pour informer les concessionnaires. “Depuis 2 mois nous attendons la nouvelle tarification et cela devient très compliqué pour établir les devis, d’autant que les sur les délais de livraison des nouveaux modèles, là aussi le flou est absolu. Et sur les gammes en cours, nous sommes passés d’un délai de 2 à 6 mois !” témoigne avec inquiétude Jérôme Reynier, directeur général de la Société nouvelle CIAM qui espère quantifier, sur les quatre derniers mois de l’année, les ventes perdues en ventes reportées.

Replis sur l’occasion et la fin de gamme

Même son de cloche chez les Établissements Xambili qui attendent avec impatience cette nouvelle tarification des tracteurs à la norme Stage V. “Il est vrai que pour les constructeurs cela rajoute des modifications et contraintes importantes sur ces tracteurs qui sont déjà petits et compacts !” temporise Benoît Xambili, responsable des établissements du même nom. “Je pense que c’est la technologie SCR, déjà utilisée sur les voitures, qui sera privilégiée par les constructeurs, combinée à un réservoir AdBlue qui garantit de très faibles taux d’émissions de CO2”.
Pour l’heure, chez ces concessionnaires, les clients se replient sur le marché de l’occasion, qui est en forte progression, ou sur les stocks de fin de gamme par crainte de majorations tarifaires inévitables que vont engendrer ces nouvelles normes environnementales et hausses de matières premières. La pénurie de semi-conducteurs, dont le retour à la normale n’est annoncée que pour 2023, n’est plus à considérer comme un épiphénomène lié aux conséquences de la crise sanitaire, mais plutôt comme une problématique systémique face à laquelle l’Europe va devoir trouver une solution. Dix-huit États membres ont déjà signé, en début d’année, une déclaration pour mettre en œuvre les moyens de réduire sa dépendance aux “Chips” asiatiques et de se positionner sur le marché des semi-conducteurs où elle n’y représente que 10 %.

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