MacGyver à l’école… [par Jacqueline Amiel Donat]

Il aura fallu la forte mobilisation des enseignants le 13 janvier dernier pour que, le soir même et nonobstant la sempiternelle querelle des chiffres de la mobilisation, le Premier ministre lui-même vienne au soutien du ministre Jean-Michel Blanquer pour recevoir leurs représentants syndicaux et entendre le mal être du monde de l’école. En charge depuis deux ans de la continuité de l’activité économique du pays, outre les missions – choisies celles-là – de la formation et de l’éducation de ceux qui feront son avenir, les personnels de l’Éducation nationale – des enseignants aux personnels administratifs et techniques – vivent tous cette période comme une sorte d’aventure imposée dont le maître mot reste “système D”. Il y a deux ans presque, confinement oblige, il a fallu intégrer les néologismes distanciel – présentiel, et mettre en œuvre des enseignements en distanciel sur une plate-forme numérique nationale qui explosait dès le premier jour, tout en maintenant du présentiel pour résoudre le problème de garde des enfants dont la poursuite du travail des parents était nécessaire à la Nation : recours aux vidéos Youtube ou d’autres supports, cercles peints en blanc dans la cour de récré pour isoler les quelques présents, masques bricolés à la maison et paquets de savons achetés à la hâte. Le monde de l’école a fait front et a assuré à la MacGyver.

Puis est venu le temps des vacances et la perspective d’une rentrée décidée “normale” en septembre. Les enseignants ont peaufiné leurs supports pédagogiques pour “le cas où” et les écoles se sont organisées, sans personnels supplémentaires mais en travaillant sur les plannings, et sans locaux supplémentaires mais en les transformant en parcours de mini-golf avec étapes obligatoires devant la pompe à gel hydro-alcoolique. Une année scolaire 2020 – 2021 marquée par les ordres et contrordres, des protocoles qui se succèdent et l’apparition d’un autre néologisme : le “comodal”, autrement dit du distanciel et du présentiel en même temps. À chaque fois, il a fallu s’organiser au dernier moment – actualité Covid “oblige” – et avec des bouts de ficelle, mais avec des promesses. En septembre 2021, la rentrée s’effectuait sous des auspices qui se voulaient optimistes avec la vaccination des personnels et des élèves les plus âgés, les enfants n’étant plus finalement des vecteurs de contamination. Après le comptage en fin de trimestre des classes fermées et des “clusters” d’origine scolaire on constatait qu’au bout du compte, les enfants, et dès le plus jeune âge, pouvaient être malades et transmettre le virus dans leur famille et au personnel de leur école, vaccinés ou non d’ailleurs. Alors c’est sûr, on ne pouvait pas imaginer que ce variant Omicron s’attaquerait à tout le monde et même s’il faut rester convaincu (c’est du moins mon opinion) des bienfaits de la vaccination, force est de constater qu’une vague Omicron a déferlé sur l’école et par là, sur toute la société, nécessitant un renforcement des règles pour la rentrée de janvier.

Et Jean-Michel Blanquer droit dans ses tongs

Le problème est simple : 1/ Il faut que les enfants aillent à l’école – pour des raisons éducatives mais aussi pour des raisons économiques. 2/ Omicron est très contagieux et très présent à l’école. 3/ Il faut donc que les personnels de l’école fassent barrière à la contagion – pour eux-mêmes en essayant de ne pas l’attraper car il n’y a pas de remplaçants, et pour les enfants qu’on renvoie à la maison sine die, dès le 1er cas, les parents d’élèves devant rester “à disposition”. Et c’est le dimanche 2 janvier pour le lundi 3 janvier que le ministre Jean-Michel Blanquer annonce ce nouveau protocole à ses “administrés” dans le journal “Le Parisien”.

Ce qui est insupportable, ce n’est plus tant cette désinvolture avec laquelle ce Gouvernement change au dernier moment les règles, et de manière toujours aussi péremptoire : on a bien compris que malgré tous leurs experts et conseillers, ils n’en savaient pas plus que nous et qu’ils géraient “à vue”. Ce n’est même plus cet irrespect de la carte postale d’Ibiza et du refus de décaler de deux jours la rentrée quand lui, Jean-Michel Blanquer, s’est accordé du temps pour rentrer de son île : on pourrait lui rappeler que même si cela n’aurait rien changé au naufrage, le capitaine du Costa Concordia a été condamné en Italie pour n’être pas resté à son bord. Ce ne sont même plus les promesses non tenues de personnels remplaçants et de matériels de protection, au prétexte de la lenteur des procédures de recrutement et des marchés publics : on sait bien que la modernisation et la simplification de l’administration ne sont que des mots d’une République en marche qui se contente de piétiner. Ce qui est insupportable, c’est ce décalage entre l’adaptabilité imposée à tous et l’intangibilité des calendriers administratifs (on peut faire le même constat pour l’administration fiscale) révélant le fossé existant entre la réalité de ceux qui nous dirigent et celle que nous vivons.

Il aura donc fallu cette mobilisation du 13 janvier pour que le Premier ministre impose le report des épreuves de l’évaluation nationale des CP. Parce que, pour Jean-Michel Blanquer, rien ne s’opposait au déroulement de cette évaluation dont il est l’initiateur depuis 2018. Peu importait qu’on évalue les niveaux de français et de maths d’enfants scolarisés avec les moyens du bord depuis deux ans, peu importait l’impact de ces évaluations sur le parcours scolaire à venir de chaque élève, peu importait que ces épreuves aient lieu en l’absence d’une grande partie des élèves voire des professeurs. Ce qui comptait c’était le respect du calendrier et les comparaisons statistiques qui pourraient être établies. Et ça, la statistique, ça peut se commenter sur une tablette et les pieds dans l’eau…

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