Loi d’orientation agricole : le parlementaire, le paysan et le contrôleur ! [par Jean-Paul Pelras]
Sénateurs et députés, via la Commission mixte paritaire, ont donc voté, dans un ultime sprint avant l’inauguration du SIA par le président de la République, le projet de Loi d’orientation agricole d’où se dégagent plusieurs axes forts.
À savoir : un guichet unique concernant les aides à la transmission d’exploitation, l’allègement des contraintes environnementales et la volonté d’ériger l’agriculture au « rang d’intérêt général majeur » afin que la notion de souveraineté alimentaire soit considérée comme étant un « intérêt fondamental de la Nation ».
Pour prendre la mesure des effets suscités par ces annonces, il faut se transporter au milieu d’une vigne, dans un champ, dans une étable, dans un verger et s’adresser au paysan de faction en lui disant : « Tiens, bonne nouvelle, la souveraineté alimentaire relève de l’intérêt général majeur et fondamental pour la Nation ! ». À ce moment précis, le gars, sécateur en main, courbé sur le cep, perché sur une plateforme en train de tailler ses arbres ou occupé à remplir la tonne à lisier ne tournera peut-être même pas la tête. Et si, d’aventure, il doit réagir, il posera certainement cette question : Et alors ? Car c’est dans ces deux mots que réside l’état d’esprit d’un monde agricole rompu aux déclarations opportunément déclamées à l’aune des évènements champêtres.
Quand, le temps d’une inauguration médiatisée, le pouvoir doit se montrer, les obédiences doivent paraître ou comparaître et les ministres doivent serrer des louches à la volée, tout en essayant d’esquiver cette colère qui sourd des promesses non tenues. Puisque, si les intentions font mouche, c’est sur le terrain qu’elles doivent encore s’appliquer. Ce qui induit, du moins pour cette occurrence, la fin d’un certain nombre de concessions accordées aux environnementalistes et à une gauche vent debout contre un « éventuel » allègement des normes et une « dépénalisation » des « atteintes environnementales ».
Oui, c’est sur le terrain, avec les administrations concernées, celles qui, à l’instar de l’OFB, sont sous la double tutelle de l’Agriculture et de l’Environnement, qu’il va falloir, sans délai imposer le choix du législateur. Et c’est là que les choses vont se compliquer, car il y a la décision et la volonté de la faire appliquer, sans que les idéaux ne l’emportent sur ce que la loi a décidé. C’est là, et depuis des années, concernant les dogmes environnementaux, que l’affaire se complique, que le temps passe, que finalement rien n’est (bien) fait. Tout comme rien n’a été décidé au sein de cette LOA pour juguler la stigmatisation médiatique d’un monde agricole trop souvent malmené sur les antennes du Service public notamment. C’est aussi un peu pour cela que les tracteurs ont damé le pavé l’an passé, avec des paysans qui attendaient depuis, non pas des leçons infligées par ceux qui ne savent rien de leurs métiers, non pas des mots, non pas des phrases bien tournées, mais du concret !
Alors si, cette fois-ci, les parlementaires semblent avoir (enfin) entendu la colère des agriculteurs dans le texte, ils doivent désormais surveiller ceux qui sont désignés pour les contrôler et les accompagner. Sans trembler, sans apriori, sans acharnement, avec équité et respect. C’est, à cette condition que le dialogue entre l’État et les paysans pourra être véritablement renoué.
Jean-Paul Pelras