Lettre à Philippe Martinez, « patron » de la CGT (Par Jean-Paul Pelras)

Monsieur,

à bien y regarder, vous avez, avec Emmanuel Macron et dans vos catégories respectives, un point commun : des millions de Français vous détestent ! Et, en même temps, ils comptent sur l’un et sur l’autre pour déstabiliser l’un et l’autre. Ou comment, si le chef de l’Etat arrive à juguler la pénurie de carburants il parviendra à neutraliser la CGT, alors que, dans le cas contraire, si vous arrivez à relancer la grève vous allez fragiliser le pouvoir en place. Un bien pour un mal ou un mal pour un bien diront celles et ceux qui ne supportent plus ni la politique de Jupiter, ni les conséquences de votre jusqu’au-boutisme syndical.  

Car si Macron est accusé de plomber le pouvoir d’achat des Français, depuis quelques jours vous faites tout ce que vous pouvez pour les empêcher de se déplacer, donc de travailler, voire peut-être bientôt de s’éclairer et de se chauffer. Sachant, de surcroît, que, lorsque les salariés des raffineries auront été augmentés, les automobilistes devront, ce qui en bon comptable ne vous aura pas échappé, en supporter les répercutions. Tout simplement, car les pétroliers multimilliardaires n’auront, vous en conviendrez, perdu ni le sens des affaires, ni celui du revenant-bon.

Une fois cette équation évacuée, les grévistes dignement rétribuées et la CGT à nouveau hissée au rang des contestataires dominants, vous devrez porter le fer sur d’autres terrains beaucoup moins engageants. Ceux qui, du temps des Gilets jaunes (concurrents inattendus) ont causé votre relégation, alors que, quelques mois plus tard, refusant les injonctions de l’injection, de nombreuses infirmières ont attendu en vain l’expression de votre indignation. Plus facile en effet de bloquer un pays avec des raffineries qu’avec des idées.

Ou comment défendre les intérêts de ceux qui, certes gagnent bien moins que nos députés, mais tout de même beaucoup plus qu’une aide-soignante soudainement ostracisée. Et ce, dans un contexte où, plus que la juste rémunération, c’est, ici, l’étincelle que vous êtes venu chercher.

Cette étincelle qui fera peut-être vaciller Macron et, de facto, fera de vous le saint patron des révoltés. Celui par qui, comme avec Cohn Bendit en 68, la chienlit est arrivée, unissant en une seule et même assemblée ceux qui vous maudissent et ceux qui, secrètement, vous attendaient. Un peu comme Macron finalement qui, après avoir apprécié votre tribune rédigée en avril 2022 appelant à ne pas voter Le Pen, vous avait remercié par téléphone, était conscient des « ennuis » que ce soutien pouvait vous causer et avait déclaré que vous seriez amenés à vous « parler rapidement ». Précisons qu’en 2017 vous aviez déjà souhaité que « Macron fasse le score le plus haut possible »

Vu sous cet angle, incontestablement vous êtes un fan, il est votre idole. Et pourtant, vous voilà dos à dos avec, d’un coté un président qui n’aura bientôt plus que le 49-3 pour gouverner et, de l’autre, un représentant syndical qui suscite incompréhension, colère et nervosité chez les Français. Ces Français qui, a leurs corps et à leurs cœurs défendants, alimentent les « super-profiteurs » du Cac 40 avec 73 milliards de bénéfices engrangés sur le premier semestre 2022, soit 24 % de plus que l’an passé pour la même période. Avec 2.62 milliards d’euros reversés aux actionnaires de Total sur le seul mois de septembre 2022 et la rémunération annuelle du PDG de cette compagnie qui est passée de 3.918 millions en 2020 à 5.944 millions en 2021, soit une augmentation de 51.7%.   

Alors, Monsieur Martinez, si, comme il le souhaitait en avril dernier, vous devez prochainement rencontrer le locataire de l’Elysée, montez dans la même voiture, prenez une électrique tant qu’il reste un réacteur pour l’alimenter ou cherchez une station-service encore approvisionnée. Et transportez-vous chez tous ces gens qui réalisent des bénéfices indécents sur le dos de ceux qui ont encore envie de travailler.

Que le président de la République et le patron de la CGT, main dans la main et unis par la détestation que leur témoignent les Français, aillent signifier une bonne fois pour toutes aux véritables privilégiés la fin de la recréation et de cette « abondance » si souvent évoquée.

A moins que vous ayez, l’un et l’autre, pour des raisons à la fois stratégiques et diamétralement opposées, tout intérêt à ce que la chienlit puisse durablement s’installer !

Jean-Paul Pelras

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