Lettre à Dominique de Villepin [par Jean-Paul Pelras]

Monsieur,
Certains, en évoquant votre nom, pensent à l’affaire Clearstream, au très décrié Contrat première embauche ou encore à votre soutien à Emmanuel Macron en 2017. Magnanime (pour une fois…), je préfère me souvenir de votre déclaration quand, devant l’ONU, en 2003 et alors que vous étiez ministre des Affaires étrangères dans le gouvernement Raffarin, vous avez évité à la France le bourbier irakien. Depuis, retiré de la vie politique, vous nous avez expliqué que notre pays ne devait pas systématiquement obéir aux Étatsuniens en matière de politique étrangère. Suite aux attentats de 2015, vous avez estimé que les actions militaires conduites par l’Otan au Moyen-Orient étaient de nature à exacerber les rancœurs plus qu’à désamorcer les tensions.

Le 24 février au soir, et alors que Poutine venait de lancer son offensive sur l’Ukraine, vous étiez invité à débattre sur France 2 avec le philosophe Bernard Henri-Levy. Lequel, expert en bombardements de tartes à la crème, se disait favorable à une intervention militaire de la France. Il déclarait : “Réengager des diplomaties de petits-pas, tout ça c’est le passé !”. Vous lui avez répondu “N’oublions pas les souffrances, le martyr qu’a connu le peuple irakien (…) le peuple libyen, n’oublions pas les souffrances que nous avons infligées par des interventions militaires sans issue. (…) Je ne crois pas que la posture sur les plateaux de télévision soit la bonne réponse”.
Sur ces mots vous avez quitté le studio où vous n’auriez peut-être jamais dû mettre les pieds, quand on sait les positions va-t-en guerre de celui qui veut ici nous refaire le coup de la Lybie, version 2011.

Car, à mon sens, Monsieur l’ancien Premier ministre, votre place n’est pas à échanger avec les petits boutiquiers de la pensée lutécienne. Elle peut en revanche, et pourquoi pas avec Hubert Védrine, représenter, autour des tables de négociations, le peuple et l’esprit français. Ce peuple qui ne sait plus qui croire et écouter devant cette avalanche de partis pris Est-Ouest, entre la propagande de Poutine et celle de Zelensky. Entre la guerre inadmissible que livre le Kremlin et la partie invisible que jouent les États unis. Car si l’Europe manque de matières premières pour son industrie, son énergie, son armement, son secteur agroalimentaire, elle est, sur le plan diplomatique tout autant déficitaire.

Dimanche soir, chez Delahousse, vous déclariez en évoquant le récent sommet européen : “Le message qui est adressé par Versailles, aussi sympathique que soit ce rassemblement et aussi grave qu’il ait été, n’est pas forcément un message de circonstance. Dans ces circonstances là, on fait sobre, on affiche une détermination qui ne va de pair avec les photos de famille et les dîners de banquets…” Le candidat que vous avez soutenu voilà 5 ans aura-t-il entendu le message et saura-t-il, alors qu’il semble être désormais quelque peu exclu des pourparlers, reprendre la main et consulter ailleurs que dans l’entre soi de ses affidés ?

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