Lettre à celui qui ne sera pas candidat [par Jean-Paul Pelras]

Madame, Monsieur,
nous sommes voisins, amis peut être. Vous vivez ici ou bien à mille kilomètres. Comme moi, chaque soir devant le journal de 20 h, vous découvrez de nouveaux candidats aux futures élections présidentielles. Un générique de plus en plus consistant, achalandé par des prétendants qui égrènent leur chapelet politicien, non pas en récitant des prières, mais en tricotant des promesses qu’ils détricoteront un peu plus loin. N’étant pas habilités à postuler dans ce championnat où les tâches subalternes sont traditionnellement réservées à l’électeur, vous en conviendrez, nous en sommes réduits, au moins pour nous endormir, à additionner les compétiteurs.

Voyez ce palmarès : pour l’instant l’affiche compte une bonne quinzaine de noms. Et le casting, entre ceux qui patientent, qui hésitent, qui calculent, qui consultent, qui bluffent, qui rêvent ou qui veulent nous faire rêver, est loin d’être bouclé. Rajoutons à cela les candidats aux primaires, fins négociateurs qui se placent avec dix mois d’avance sur quelques éventuels et ministériels grands échiquiers. Tractations, négociations, arrangements, manœuvres, combinaisons… Chacun y va de son stratège là où, à bien y regarder, l’intérêt de la Nation compte moins que le résultat des compétitions.
Leur point commun : ils nous veulent du bien et ils veulent nos voix. Ces voix qui se font de plus en plus rares quand, désabusées, elles préfèrent rester à la maison. Ces voix qui n’apprécient plus ni les cuistots, ni le service, ni le repas. Ces voix qui ne croient plus en cette gabegie. Celle qui s’exonère de toute obligation de résultat. Ces voix, la vôtre, la mienne, courtisées, cajolées avec des mots qui sonnent faux, avec des programmes recyclés, avec des slogans à deux balles qui n’arrivent même plus à convaincre celui qui les a imaginés.

La lassitude que suscitent ces énièmes circonvolutions représente un danger pour notre République, pour notre démocratie, quand l’atomisation des suffrages va une nouvelle fois nous “piloter” vers le goulot des petits arrangements entre amis et ennemis.
Vous me direz que nous n’avons pas le choix. Et vous aurez raison. Dans les grandes longueurs, à défaut d’être pipés, les dés sont jetés car les candidats sont, pour la plupart, depuis des mois et des années “choisis” par le prisme des médias. Adoubés par le jeu des investitures ou soutenus par quelques hégémoniques intérêts financiers, ils ont entre les mains les clés de la machine à gagner.
Que pouvons-nous y faire ? Pas grand-chose, si ce n’est, peut-être, s’adresser au législateur qui se présentera ou se représentera dans la foulée des présidentielles les 12 et 19 juin 2022. Car si les cartes semblent être d’ores et déjà “attribuées” pour le scrutin suprême, la connotation territoriale des législatives pourrait réserver quelques bien croustillantes surprises. De celles qui précipitent les cohabitations avec une recomposition “à nouveau” représentative des grands courants d’opinions.

En résumé, cher interlocuteur, si nous sommes condamnés à faire la plouf en avril pour désigner le ou la futur(e) locataire de l’Elysée, nous pouvons peut-être lui signifier qu’il ou elle devra composer loin de Lutèce, de ses entre-soi et de ses petits comités, avec le contre-pouvoir des suffrages de proximité.

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