Les “gros mots” de Jean-Paul Pelras : La baignade
Oyez, oyez, peuple de France, l’événement à ne pas manquer dans les semaines à venir va se dérouler à Lutèce et, plus précisément, dans la Seine où la bourgmestre de la capitale, mais également le Roy en personne et quelques-uns de ses disciples, ministres et autres affidés, ont décidé de « prendre les eaux ». Et ce, afin de prouver urbi et orbi devant les caméras du monde entier que le fleuve est praticable et que les athlètes olympiques pourront y barboter sans danger à partir du 26 juillet, date à laquelle sera célébré le lancement de l’évènement qui, à bien y regarder, ne passionne pas forcément 67 millions de Français. Et puisque nous parlons de millions, précisons que 1,4 milliard d’euros, dont la moitié pris en charge par l’État, ont tout de même été investis pour assainir le fleuve en question et garantir 23 sites de baignades.
Annoncé depuis des semaines, le bain de Dame Hidalgo, prévu pour le 23 juin, serait donc reporté au 30 de ce mois. En cause, le débit qui, considérant l’intensité des récentes précipitations, serait 4 à 5 fois plus important que celui attendu à cette période de l’année. Le jour de la Saint Martial, Adolphe, Lucine et Othon, tout ce beau monde, accompagné par le préfet de Police et celui de Région, devrait donc enfiler ses plus beaux bikinis pour faire trempette et nous offrir quelques brasses. En apnée bien entendu, car ladite rivière pourrait bien, d’ici là, charrier encore quelques bactéries fécales comme Escherichia coli et autres entérocoques. Selon The Guardian, les athlètes de Sa Majesté britannique anticiperaient d’ailleurs le risque d’intoxication par les bactéries en faisant une cure de yoghourts et de probiotiques.
Mais revenons à ce plongeon républicain et écologique qui permettra aux officiels de nager aux cotés de quelques brochets, carpes, goujons, gardons, et autres gigantesques silures, sans oublier les rats et les ragondins. Une fois évacué ce petit inventaire zoologique à la Prévert, il faut tout de même se demander comment nous avons pu plonger aussi bas. Autrement dit comment, entre un déficit public historique et une situation internationale qui l’est tout autant, ceux qui nous dirigent en sont encore à phosphorer sur la couleur du maillot de bain et sur la date de l’immersion médiatique.
Va-t-on assister ce jour-là au rituel monarchique qui consistait à soutenir les ablutions des puissants prodiguées avec nourrices, servantes et autres valets préposés à la toilette et aux frictions, aux parfums, aux peignes, aux rasoirs, au peignoir, aux onguents et, pourquoi pas, à la chaise percée. Comme si le plus important dans ce pays se résumait désormais au bain d’Hidalgo, à celui de Macron et de tous ceux qui sont payés avec nos deniers pour maintenir le pays au-dessus de la ligne de flottaison. Allez, c’est promis sans arrière-pensée, ni vilain jeu de mots : « Tant va la cruche à l’eau… »