“L’embarras” du choix ! [par Jean-Paul Pelras]

Autrefois, pour sceller un contrat, une poignée de main et la parole donnée suffisaient. Chacun repartait de son côté sans se retourner. Désormais, le doute, la trahison, les tractations, l’emportent sur la confiance et rebattent les cartes d’une société sans honneur, sans saveur, sans panache, sans dignité.
Les errements actuels de la classe politique illustrent parfaitement ce constat avec une porosité qui dilue les repères et encourage toutes les opportunités. Comment l’électeur peut-il s’y retrouver dans cette foire d’empoigne où certains encensent le mardi ceux qu’ils démolissaient le lundi, où d’autres changent d’embarcation car la collation est meilleure, car le capitaine est mieux habillé ? Puisque c’est bien de cela dont il s’agit, de la gamelle et de l’habit, de l’escarcelle et du compromis, du principal et des intérêts. Ces intérêts qui courent au fil des mandats renouvelés quand la politique s’éloigne du sacerdoce et se rapproche du “métier”. D’où ces compétitions effrénées, ce besoin absolu de l’emporter, quitte à renier ses opinions, ses amis, le parti, sa formation. Quel confort finalement que de pouvoir déserter sa conscience et s’émanciper sans regrets pour poursuivre sa carrière et sauver ses indemnités !

Inutile de hausser ici les omoplates, car c’est bien de pouvoir et d’argent dont il s’agit. Cet argent qui, quand il vient à manquer, déstabilise les familles et les entreprises. Ces entreprises auxquelles le Premier ministre vient de conseiller d’augmenter les salaires. Mais ceux qui ont été (hauts) fonctionnaires toute leur vie savent-ils vraiment ce qu’est une entreprise ?

On réserve ses places et ses billets

Plus globalement, les politiques élus depuis des années sur le même strapontin savent-ils ce que représente un “investissement” ? Savent-ils ce qu’est la prise de risques, la peur de manquer, celle de perdre son emploi ? Ont-ils jamais connu le traumatisme irréversible du dépôt de bilan, avec des salaires qu’il faut payer, quoi qu’il en coûte, à la fin du mois, avec des taxes qu’il faut sans cesse acquitter, avec des prêts qu’il faut rembourser, avec une obligation de résultats qui vous oblige à ne jamais baisser les bras ? Savent-ils seulement ce qu’est une obligation de résultats quand, entre deux professions de foi, ils ne font que promettre ce qu’ils ne tiendront pas ?
Et voilà qu’à présent, entre deux spectacles de variétés, ils papillonnent d’une obédience à l’autre en spéculant sur celui qui aura le plus de chances de l’emporter. On solde les comptes, on réserve ses places et ses billets. Et le peuple observe la pièce, interloqué. Quatre ou cinq candidats tout au plus d’un côté, dont un qui, depuis des mois, manœuvre l’échiquier. Et, de l’autre, 48 millions de votants courtisés, fatigués, désabusés.

Au générique, dans moins de deux mois, derrière l’isoloir, aucun contrepouvoir si ce n’est celui de quelques outsiders qui reviennent tous les cinq ans et que nous aurons vu vieillir, comme nous nous étions habitués à la candidature d’Arlette Laguilier. Pathétique représentation que cette énième élection où le monarque sera réélu avec un ersatz de voix et où ceux qui n’en voulaient pas devront se contenter de “l’embarras” du choix !

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