L’Agri et la FFR : si proches et si lointains [par Jean-Marc Majeau]

Alors, comme ça, L’Agri serait en difficulté ? Le journal du jeudi, celui qui abritait jadis l’immanquable « playmate », celui qui est ensuite devenu, au fil des éditoriaux et des chroniques, « le journal qui le dit », serait en sursis, pour des raisons financières ! Un journal connu, qui fait le plaisir de ses fidèles lecteurs, abonnés ou internautes, qui se délectent des éditoriaux et des chroniques qu’ils attendent avec gourmandise chaque semaine depuis près de 80 ans. Un support à l’essor croissant dont la lecture a dépassé depuis longtemps les frontières de notre département ! Un label, apprécié et reconnu, mais en danger vital à court terme. J’ai du mal à le croire !

Finalement, toutes proportions gardées, c’est un peu comme la Fédération Française de Rugby, la FFR. À cette différence que, pour ce journal, la difficulté ne se compte qu’en dizaines de milliers d’euros, somme qui, bien que préoccupante, ne représente, concrètement, que quelques poignées de soutiens et de subventions, quelques abonnements supplémentaires et un petit effort collectif qui devraient être salutaires. Pour la FFR, le problème semble plus préoccupant. On évoque, en effet, un déficit de 53 millions d’euros ! On parle là d’un sport dont la France serait un des leaders internationaux, d’un championnat qui serait le « meilleur du monde », de joueurs à la valeur planétaire avec des audiences audiovisuelles en hausse absolument constante. Certes, l’ancien président, Bernard Laporte, a été convaincu de fraudes et de corruption. Certes, certains joueurs internationaux ont défrayé la chronique des scandales durant une tournée d’été, certes, l’un d’entre eux a proféré des injures racistes au soir d’un test match, tandis qu’un encadrement a égaré un jeune joueur emporté par les vagues déchaînées du Sud de l’Afrique… Certes… Mais cela n’empêche pas le bon peuple de continuer, plus que jamais, à s’extasier devant les prestations des Dupont, Ntamack ou Bielle Biarrey, en envisageant comme une évidence le prochain titre de Champions du monde !

L’équipe nationale qui, autrefois, n’était qu’une colonie de joyeux lurons, toujours prêts à plaisanter avec l’adversaire à grands coups de chaussures, de fourchettes et de « bourre-pif », est, aujourd’hui, devenue une sorte de laboratoire hypersophistiqué, qui n’a plus rien à envier à la NASA, avec à ses commandes, Fabien Galthié, l’Oppenheimer cadurcien aux lunettes cosmiques ! Les datas, les ordinateurs, les tactiques de possession et de dépossession, les « expected try » et le nombre de placages offensifs, sont devenus les sujets de tous les brainstormings matinaux des staffs devenus pléthoriques. Ce qui se discutait autour d’une tranche de pâté et d’un verre de rouge, s’analyse aujourd’hui à la lumière de l’IA et de ChatGPT ! Pour le moment, faute de prévoir la trajectoire du « référentiel bondissant à cheminement aléatoire », ou celle, plus complexe, de la localisation des joueurs lors des 3e mi-temps, on se plait à croire que ce sujet serait devenu un enjeu sociétal (et politique) d’intérêt prioritaire. Panem et circenses.

La FFR défend les jeux. L’Agri quant à lui, défend le pain, au travers des paysans et de la ruralité au nom desquels il parle. Alors, tandis que l’Agri en appelle aux organisations professionnelles pour aider à sa survie, la FFR s’adresse, quant à elle, directement à l’État, le priant de mettre un peu la main à la poche, fort des bénéfices de 800 M d’€ (une paille) générés par la récente Coupe du Monde, hélas perdue sur nos terres. Le combat n’est pas le même ! Le nôtre aura moins d’audience. Mais nous ferons tout pour continuer à avancer, au moins jusqu’à la sortie du 4 000e numéro, dans 12 mois. De quoi donner envie de reprendre un peu l’écriture…

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