La plume, le scalpel, la baguette, le papier… [par Jean-Paul Pelras]
Pourquoi remplacer ce qui fonctionne et ce qui se voit ? Et bien, peut-être tout simplement pour s’agiter et montrer que le ministère ayant opté pour cette petite « révolution » sert à quelque chose. Ce qui, sur ce coup-là, reste encore à être démontré.
Nous sommes le mercredi 5 mars, lors du congrès Culture Presse. Ce jour-là, après un suspense insoutenable, une nouvelle identité visuelle est dévoilée par le ministère de la Culture avec des enseignes modernisées. La plume rouge sur fond jaune, en place sur la façade de nos marchands de journaux depuis les années 1950, sera remplacée par un panneau vertical où demeure l’inscription « Presse » avec une plume plus « stylisée » qui ressemble… à une lame de scalpel. Une enseigne qu’il faut attribuer à la dessinatrice Julie Soudanne et aux designers Pauline Vialatte de Pémille, Agathe Joubert et Jacques Averna, sélectionnés à la suite d’un appel à projets lancé fin 2022 par le ministère. Et Rachida Dati, ministre de la Culture de préciser « Ce n’est pas juste un changement d’enseigne. (…) Nous voulons un signe distinctif plus moderne et attractif, qui reflète le dynamisme et la diversité des marchands de presse. Cette initiative incarne un engagement collectif : offrir un avenir en phase avec les attentes d’aujourd’hui, tout en préservant leur mission essentielle d’accès à l’information. »
La formule justifie-t-elle le changement et le coût de l’opération, de la gestation, de l’étude, de l’audit, de l’agence qui l’aura réalisé, du projet ? Difficile d’en savoir plus, si ce n’est que, selon le ministère, les commerçants (majoritairement assez sceptiques) souhaitant acquérir la nouvelle enseigne pourront prétendre à l’aide à la modernisation des diffuseurs de presse mise en place en 2024 et pourvue de six millions d’euros. « Pour l’enseigne, le taux de prise en charge a été bonifié de 20 points pour 2025 et 2026, passant de 80 % en zone urbaine et jusqu’à 90 % en zone rurale », précise le ministère de la Culture. Nul doute que la vente des journaux va exploser ! La plume rouge ne pouvant, de toute évidence, plus rivaliser avec le scalpel argenté.
Abordons à présent les emballages papier. Dans le cadre de la Responsabilité élargie du producteur (REP), depuis le 1er janvier 2025, les boulangers, les pâtissiers, mais également les bouchers, charcutiers et autres fromagers ou marchands de fruits et légumes doivent appliquer la nouvelle réglementation concernant la gestion des emballages ménagers, sacs en papier, films plastiques, boîtes en carton… Ils sont donc assujettis à une énième contribution qu’ils peuvent acquitter avec une déclaration au « réel » en fonction du nombre d’emballages utilisés chaque année ou via une tarification forfaitaire concernant les boulangeries pâtisseries. Taxe qui est établie à 0,75 centime d’euro pour chaque passage en caisse. L’artisan ou le commerçant doit adhérer à un Éco-organisme qui lui fournira un identifiant unique et auprès duquel il devra déclarer, en début d’année, le nombre d’emballages utilisés ou le nombre de clients ayant acquitté leurs achats au cours de l’exercice précédent. Alors, bien sûr, ce n’est pas ce qui va précipiter faillites et dépôts de bilan en rafale. Les commerçants s’adapteront, peut-être tout simplement en répercutant la taxe sur le prix du croissant, sur celui de l’éclair au chocolat, du morceau de cantal, de la tranche de jambon.
Jusqu’au jour où, de contraintes en injonctions fiscales, d’augmentations de charges (énergie) et de matières premières (beurre, chocolat…) en compétitions déloyales, ils se décourageront. Comme certains d’entre eux commencent à le faire en abdiquant dans nos campagnes, dans nos quartiers, et partout où, sur des rues entières, les rideaux sont désormais définitivement baissés. La somme des taxes découlant de la législation environnementale avec une surtransposition des démarches administratives, tous achats confondus, impacte de plus en plus le pouvoir d’achat. Par les temps qui vont, avait-on vraiment besoin de cela ?
