La France est triste, Monsieur le Président ! (Par Jean-Paul Pelras)

Monsieur le Président,

Vous déclariez en janvier dernier « Nous sommes devenus une nation de 66 millions de procureurs », englobant derrière ce chiffre ceux qui vous mésestiment et, de facto, ceux qui vous surestiment.

Il m’arrive, lorsque j’essaye de retrouver quelques interlocuteurs rassurants, de repenser à Jean d’Ormesson avec qui j’ai eu le privilège d’échanger quelques fois. Je me demande ce que l’Académicien aurait fait du « crayon des enchantements » que vous avez déposé, selon son vœu, sur son cercueil dans la cour des Invalides. Ce qu’il aurait écrit sur le « désenchantement » actuel. Ce que lui auraient inspiré vos petites phrases et la suffisance qui les caractérise alors que notre pays se voit privé de nombreuses libertés, alors que les Français attendent davantage du président que du geôlier.

Ces Français qui en ont assez des atermoiements à répétitions, des contradictions politico scientifiques, des injonctions de l’injection, des campagnes médiatiques infantilisantes et subventionnées, des verbalisations à géométrie variable, selon qu’ils osent se rendre dans un petit bistrot de campagne sans laisser passer, dans un grand meeting politique ou aucun sauf conduit ne leur sera demandé, ou qu’ils négocient de quoi snifer impunément quelques lignes aux portes de la cité.

Ces Français qui ne vont même plus voter car l’intérêt de la Nation compte moins que le résultat des compétitions.

Ces Français fatigués, démoralisés, désociabilisés qui, et c’est ce qui devrait vous inquiéter puisque vous êtes le garant de notre démocratie, n’auront bientôt plus la force de s’indigner.

Et que dire, oui que dire de ces métiers qui lorsque le « quoi qu’il en coûte » aura fait long feu dans les vicissitudes de l’économie, finiront en règle mais ruinés ? 

« On vous enterrera dans une nappe » lançait au début du siècle dernier un mondain à l’abbé Mugnier lui reprochant de trop se sustenter. L’ecclésiastique, confesseur du tout Paris, comme le sont aujourd’hui jusque dans les salons de l’Elysée les amuseurs Mac Fly et Carlito, lui retorqua in petto : « Avec vos miettes ». La réplique est à méditer, voire à adapter au contexte, en ces temps où le bilan sera certainement davantage aux disettes qu’aux festivités. En ces temps où le crédit à l’égard du politique est souvent proportionnel à son impéritie. 

La France est triste Monsieur le Président. Elle demande un peu plus de considération, un peu moins d’arrogance, un peu plus d’attention, un peu moins de condescendance. De restrictions en restrictions, le soir venu, autour des cuisines éclairées, elle attend le lendemain sans espérer. Car elle doute, car elle n’a plus confiance, car elle n’ose plus contester. Car, à bien y regarder, elle a perdu son panache. Elle a presque peur de déranger.  

Jean-Paul Pelras

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