La fleur et le fusil [par Jean-Paul Pelras]

Certains auraient tendance à titrer, un peu trop hâtivement peut-être : « Le bon, la brute et le truand .» En extrapolant et en respectant cet ordre, le scénario du moment devrait plutôt s’intituler : « L’artiste de variété, l’agent du KGB et le marchand. » Sachant que, dans cette histoire, ceux qui pourraient, in fine, acquitter le ticket au prix de leur sang, ce sont les figurants, autrement dit nos enfants. Alors, bien sûr, il y a la magie des intentions, le simulacre des négociations, l’esbroufe des menaces, la prophétie des cataclysmes, la caricature des postures, le cynisme des impostures… Mais il y a surtout, une fois que le sortilège est éventé, l’évidence des faits. Avec ceux qui ont réellement le pouvoir et ceux qui gesticulent pour se l’approprier.

Car le pouvoir, c’est quand on peut ? Le reste, tout le reste, n’est que littérature. Donc, concrètement, que peut faire l’Europe, sertie entre deux blocs historiquement opposés, mais potentiellement réconciliables sur le dos de ce Vieux continent empêtré dans ses divisions ? Pas grand-chose car, affaibli économiquement et militairement, les 27 (et, peut-être, la Grande Bretagne) doivent renflouer leurs budgets et étayer leur défense tout en réparant quelques violons politiquement désaccordés. Trump et Poutine le savent. Zelenski n’ose pas le savoir. Quant aux chefs d’États européens, ils s’agitent, lorgnant à la fois du côté de l’Oural et de l’Atlantique, ne sachant pas quelles amarres larguer au risque de perdre sur tous les tableaux humains, stratégiques, financiers.

Ceci étant dit, nous n’avons pas dit grand-chose. Un peu comme ceux qui organisent à l’avenant et à la petite semaine des rencontres, des sommets, des conciles tout autant volontaristes que stériles. Le résumé des résumés tient pourtant dans cette phrase prononcée sur Twitter/X par Zelenski au lendemain du clash entre les présidents ukrainien et étasunien. « Merci l’Amérique, merci pour le soutien, merci pour cette visite. Merci au président, au Congrès et au peuple américain… ».
Zelenski, dont la légitimité était encore une fois, en ce début de semaine, remise en cause par le gouvernement Trump, qui se dit désormais prêt à signer l’accord sur l’exploitation des minerais ukrainiens par les États-Unis dont il reconnaissait en fin de semaine la nécessaire implication pour le règlement du conflit. Le chaud et le froid en quelque sorte, sachant que Trump et lui seul est aux manettes pour régler la température. Car s’il apparaît comme une évidence que l’Europe doit se réarmer, elle ne peut, pour l’instant et peut-être pour longtemps encore, négliger le soutien américain.

Qui, y compris parmi les plus fervents opposants à Trump et à ses sbires oserait dire à partir de demain matin, sans trembler, sans être emporté par le vertige : « Nous nous passons des États Unis, nous allons nous défendre seuls » ? Personne ! Absolument personne ! Tout simplement car, si depuis quelques années, beaucoup pensent qu’il faut désormais mettre une fleur au bout du fusil, les mêmes sont en train de s’apercevoir qu’il faut aussi, hélas, des fusils pour protéger nos fleurs !

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