Santé : “Flash”, ou le syndrome du Titanic [par J.-M. Majeau]
Vous connaissez “Mission impossible” et les “ventes flash” du Black Friday. Vous allez gouter à la “Mission flash” des urgences de l’été ! Une stratégie éprouvée depuis 2 ans : nier l’existence des problèmes puis agir dans l’agitation par des effets d’annonce pour éviter un naufrage imminent ! Le syndrome du Titanic ! Après la stratégie du “sac poubelle et du torchon”, palliatifs sommaires aux pénuries de matériel protecteur pour les soignants, après avoir été contraints manu militari à un confinement aussi inefficace que dangereux, après les incohérences des reprises scolaires successives, le ski sans remontées mécaniques et la consommation de bière en position assise, nous avons isolé nos grand-mères dans les cuisines à Noël et ouvert nos fenêtres en hiver. Même Mister Bean n’aurait pas osé ! Aujourd’hui : ça recommence ! Dans le rôle du petit chauve qui se fait taper sur la tête par Benny Hill, une humoriste de choc : Élisabeth Borne ! Bourguignon éjectée et Véran trop malin pour continuer, qui de mieux qu’une préfète spécialisée dans le transport ferroviaire pour gérer la santé ?
Le constat est simple : c’est le bordel ! Récent ? Pas du tout ! Depuis des années on le savait : le système de soin à la française était à l’agonie. Il est désormais en état de mort cérébrale ! Lors des premiers symptômes de cette décadence, les bombes lacrymogènes et les lances d’incendie ont fait taire les lanceurs d’alerte. Pourtant, tout le monde l’avait constaté. Le vieillissement des médecins, le “numerus clausus” de la formation et le changement de philosophie rendant l’idée de sacerdoce médical aussi désuète que le célibat des prêtres, diminuaient le nombre de praticiens et allongeaient les délais de rendez-vous. Le temps du médecin de famille que l’on dérangeait en plein milieu de la nuit était révolu !
Les pouvoirs publics avaient une solution magique : les services d’urgence, qui fleurirent un peu partout à l’aube des années 2000, entrainant avec eux la mort des gardes médicales des médecins de ville. Pour des motifs divers, pas toujours urgents, les patients se présentèrent aux portes des hôpitaux et des cliniques de l’hexagone générant des gains substantiels pour les structures. Personne n’a voulu voir les soignants exténués, les malades abandonnés de longues heures sur les brancards, l’inflation d’examens inutiles, les démissions et les abandons de poste. Il fallait cravacher et compter les “passages”. À l’aube d’un été 2022 qui doit être celui de la reprise économique, les demandes de soins vont exploser. Comme toujours. Qui les prendra en charge ? Plus personne ! Ou alors, à des tarifs prohibitifs : entre 3 000 et 5 000 euros la garde de 24 h pour un médecin urgentiste intérimaire : c’est le tarif !
Bingo, “Flash Braun” devient ministre de la Santé
Le patron propose sa solution, la “mission flash”, qu’il refile illico à la préfète qui en assume la présentation. Bingo, “Flash Braun” devient ministre de la Santé. L’idée forte est de ne plus prendre en charge les “urgences non vitales” qui engorgent le système. C’est bien. Mais qui décide de la gravité ? C’est facile : tout va passer par le SAMU. Donc, si tu crois que tu vas mourir, au lieu d’aller dans un service de soins dédié, tu prends ton téléphone et tu composes le 15…
Ne sois pas pressé : ça risque de durer ! Si tu n’es pas mort avant le décrochage, c’est bon : sauvé ! Mais si c’était réellement urgent, alors tes voisins l’apprendront en lisant les avis mortuaires du lendemain !
Jusqu’à présent on m’avait enseigné que nous devions considérer, jusqu’à preuve du contraire, que chaque patient qui se présentait à nous était présumé malade. Macron vient d’inventer le concept de “présomption d’hypocondrie” et de l’accès aux soins par un “grand oral” ! Comme pour avoir le Bac ! Au final, on parle essentiellement de contraindre les flux de malades. Mais, pour l’instant, personne n’a évoqué la restauration de gardes de médecine de ville, l’obligation d’astreinte de week-end ou la révision de l’idée de liberté d’installation. Le fait de demander à un jeune médecin d’effectuer ses premières années dans un désert médical serait-il devenu une injure ? Aujourd’hui, trouver un successeur devient une gageure. La priorité n’est plus d’accepter de soigner des patients, mais de rechercher, au travers d’un métier toujours très bien rémunéré, le moyen de pouvoir, sans contrepartie, bénéficier, en priorité, d’une grande qualité de vie et de loisirs. On ne souhaite plus trouver un lieu où l’on serait utile, mais une ville pourvue d’une salle d’opéra, d’une patinoire et d’une piscine olympique, si possible pas trop éloignée de la mer et d’un aéroport offrant des destinations low-cost vers les tropiques. D’où la pénurie ! Au fait : “Flash” : c’était le nom de la bombe tue-mouche qu’utilisait ma grand-mère !