FCO : Vallespir, la reconstruction

Il y a maintenant trois mois que la fièvre catarrhale a surgi dans le Vallespir, prenant de court les éleveurs et causant des dégâts majeurs au troupeau. La pression de la maladie s’allégeant avec les effets de la vaccination, l’heure est à préparer demain.

« On aurait jamais cru que la cagnotte allait marcher aussi bien, cela nous a permis de racheter des brebis et de reconstituer notre troupeau pour ne pas perdre de temps dans notre calendrier de production de l’année prochaine » se réjouit Sofia Ryckbosch au téléphone. La semaine avait été bonne en plus, aucun cas décelé dans ce qui reste du troupeau, 26 brebis sur 113 avant la maladie, alors que les semaines précédentes, des animaux tombaient encore malades. La vaccination arrive maintenant à sa pleine efficacité. Les brebis qui restent se classent en deux catégories, celles qui n’ont jamais été malades et celles qui ont du mal à s’en remettre.

Sofia et Stéphane Ryckbosch reçoivent cette semaine les brebis qu’ils ont pu acquérir avec la cagnotte. (Photo Yann Kerveno)

Cette semaine est donc aussi celle du nouveau départ avec l’arrivée de 57 brebis et un bélier, qu’ils ont pu payer grâce à l’apport de la cagnotte en ligne dont l’Agri s’était fait l’écho durant l’été. Juste à temps pour la mise à la lutte, à la reproduction. « Nous avons aussi commandé d’autres brebis, pleines cette fois, pour le mois de février » afin de compléter le troupeau, produire normalement et atteindre le chargement nécessaire pour percevoir les aides de la Politique agricole commune.

Attendre de voir les aides

À Saint-Laurent-de-Cerdans, Jérôme Vergès fait preuve d’un fatalisme un peu à toute épreuve. « Ça s’est calmé, on panse les plaies, on soigne les dernières brebis qui sont encore malades et plus on avance dans le temps plus la vaccination fait effet » témoigne-t-il. Il a aussi acheté des agnelles, dix au total pour commencer à reconstituer le troupeau. La FCO lui a pris 57 animaux. « Nous sommes dans un secteur compliqué, il n’y a pas de clôture, il n’y a pas beaucoup à manger, je ne voulais pas de brebis pleines non plus. »

Jérôme Vergès va compléter son troupeau de brebis avec des chèvres pour atteindre le chargement dont il a besoin pour la PAC. (Photo Yann Kerveno)

Pour atteindre le chargement nécessaire aux aides, il pense à acheter des chèvres. « De toute façon, tant que nous n’avons pas d’aides, je ne peux pas reconstituer le troupeau, je ne peux pas repartir sur des emprunts pour acheter des brebis. J’attends de voir si nous avons des aides ou pas, s’ils veulent la mort du mouton ou non dans cette zone, avant d’aller plus loin. » Sur les brebis restantes, une dizaine a avorté, il a perdu un bélier et un deuxième « est foutu ». « On compte les brebis mortes, mais il faut voir au-delà. On rentre juste dans les agnelages et sur les trois premiers, je n’ai que des agneaux tout petits, on dirait qu’ils sont prématurés de deux ou trois semaines » révèle-t-il en espérant qu’ils auront le temps de se refaire. D’autant qu’il a organisé son élevage pour vendre ses agneaux en particulier en fin d’année. « Ici l’automne est une période favorable pour les agnelages, il y a un peu de repousses d’herbe, il y a les châtaignes. De toute façon, il n’y a pas assez à manger pour prévoir plusieurs périodes d’agnelages dans l’année. »

Pas d’aides

Du côté des aides, pas grand-chose. « La mairie doit me faire trois mois de loyers gratuit, à la fin de l’année pour la ferme, il y a l’enveloppe évoquée par la communauté de communes, 5 000 euros pour les éleveurs touchés (et non pour son seul bénéfice comme nous l’avons écrit par erreur dans notre édition du 29 août), mais elle n’est pas encore arrivée… » Pour le reste, il faut attendre « on a bien appelé l’assistante sociale mais elle n’a pas le temps. » D’autres préfèrent ne pas parler, parce qu’il faut maintenant encaisser le coup moralement. « Quand on a vu autant de brebis mourir c’est difficile » confie une autre éleveuse du secteur. « Alors je préfère ne pas y penser. Tant qu’on est dans l’action on ne réalise pas vraiment, mais avec le temps oui. »

Vaches vides

Si les éleveurs d’ovins sont déjà à l’heure des bilans, c’est encore l’attente pour les éleveurs de bovins. La FCO a un moindre impact sur les animaux mais elle peut avoir des conséquences sur la reproduction. Éleveuse à Prats-de-Mollo, Liên Favard confirme. « Pour les vaches que j’ai en montagne en estive au Costabonne, il n’y a pas d’évolution, la majorité des animaux va bien. C’est bien plus compliqué pour le taureau et les quatre vaches que j’ai gardés en bas, ils font rechute sur rechute. » Les analyses qu’elle a fait effectuer montrent par ailleurs une double contamination par la fièvre catarrhale et à la maladie hémorragique épizootique (MHE). « Cela me conforte dans l’idée que la MHE est présente depuis un moment chez nous, depuis début juin peut-être. » Elle attend maintenant la descente de l’estive pour faire analyser les vaches, savoir lesquelles sont pleines, lesquelles sont vides, « et sincèrement, je m’attends à une catastrophe parce que j’ai vu des retours en chaleur cet été » estime-t-elle.

Liên Favard a pu voir des retours en chaleur cet été sur les vaches en estives. (Photo Yann Kerveno)

Président du syndicat des éleveurs du Vallespir, Thomas Ribes nourrit les mêmes inquiétudes pour l’année prochaine. « J’ai fait les tests, sur 42 vaches, j’en ai 14 qui sont vides et des positives aux deux maladies, ce sera déjà une grosse perte financière et j’espère qu’il n’y aura pas trop de veaux mal formés. » Même constat du coté de Sylvie Puig : « on a eu la FCO et la MHE, et quand on monte voir les vaches, il y en a qui ont le ventre bien plat alors qu’elles doivent vêler en janvier. Un taureau qui ne se remet pas sera aussi réformé. »

« Le maillage est fragile »

Non loin de là, Eloi Belier a vu passer la maladie sur ses massanaises, la race bovine des Albères dont il détient 20 vaches. « Les vaches que j’ai à Céret sont en train de vêler et elles vont bien, par contre celles qui sont à Montbolo ont été malades quelques jours, elles sont peut-être vides je ne sais pas encore. » S’il est moins touché, le contexte l’inquiète toujours : « c’est dur moralement, parce que nous ne sommes pas très nombreux ici, le maillage est fragile et éleveur c’est un métier qui ne peut pas se faire tout seul, on a besoin de matériel, de coup de main. J’ai l’impression qu’on est arrivé à un point de bascule. » La solidarité locale n’est toutefois pas épuisée, des projets de rifles ou de loteries au bénéfice des éleveurs sont dans les tuyaux.

Yann Kerveno

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