Européennes : les bons comptes font les bons amis
Quelle place pour la France au Parlement européen ?
Au soir du dépouillement du dernier scrutin européen, les analystes ont fait tourner les machines à réfléchir. Puis, rapidement, un constat s’est imposé : en faisant du Rassemblement national le premier parti représentant la France au Parlement européen, les électeurs ont pris le risque de marginaliser la présence de la France dans l’Europe. Pourquoi ? Parce que la percée de l’extrême droite en France, en Italie, mais aussi en Autriche n’a rien changé aux grands équilibres du Parlement. Le principal parti, le Parti populaire européen (droite), renforce même ses positions à l’occasion de ce scrutin et si le Rassemblement national est majoritaire au sein du groupe ID (30 élus sur 58), celui-ci ne fait que jeu égal avec les écologistes et leurs 52 élus et reste très loin de pouvoir peser face aux trois groupes principaux : PPE, Sociaux démocrates ou encore Renew, le groupe de la majorité présidentielle française.
Quand on se penche sur les forces en présence, les pays qui compteront (en nombre de députés) dans les principaux partis, on trouve l’Allemagne, la Pologne et l’Espagne. Les Républicains, avec 7 élus sur 186 sièges, auront du mal à se faire entendre en dépit de la présence de Céline Imart, agricultrice dans le Tarn.
Cordon sanitaire
À gauche, 137 parlementaires et 13 français seulement (issus des rangs de Place publique), quant au groupe Renew Europe, 79 sièges, il sera dominé par les 13 élus français emmenés par Valérie Hayer. L’influence française sera donc limitée. Pour le moins. « Quoi qu’on en pense vu de France, le grand gagnant de ces élections européenne c’est bien le Parti populaire européen » commente Irène Tolleret, vigneronne et ancienne députée Renew qui ne se représentait pas.
Le poids plus important de l’extrême droite dans la nouvelle assemblée européenne est-il de nature à faire évoluer l’appréhension des questions agricoles par le Parlement ? L’ancienne députée juge que le risque est faible et que, s’il y a un risque, il est tout autre : « Si l’on prend la réforme de la Pac, l’extrême droite voudra tout révolutionner et renationaliser la Pac, mais les organisations agricoles ne veulent pas de cela. Et je n’ai pas non plus vu de remise en cause du cordon sanitaire instauré au Parlement qui repose sur le pacte des partis pro-européens de ne rien faire avec les partis anti-européens. »
Pac du Nord
Elle estime que le principal risque est plus l’affaiblissement de la France par une moindre présence dans les trois principaux groupes. Et que soit développée une « Pac du Nord de l’Europe » qui ne fera pas grand cas des problèmes du Sud. « Les problématiques méditerranéennes sont pourtant des dossiers majeurs qui dépassent les questions agricoles dans les Pyrénées-Orientales et l’Aude. Je pense à la gestion de l’eau, au pastoralisme, à l’ouverture des milieux. Tous les sujets sur les infrastructures de stockage d’eau ne sont pertinents qu’au Sud. Et si ceux qui tiennent le stylo n’ont pas l’expérience de ces questions, que se passera-t-il ? Le rôle des députés européens est de défendre la politique européenne à la lumière de ce qui ne fonctionne pas. » À condition de savoir ce qui ne fonctionne pas, naturellement.
Elle plaide même pour que ces sujets « soient peut-être traités hors de la politique agricole commune » tout comme un dispositif qui viendrait appuyer l’agriculture méditerranéenne, une indemnité de compensation de handicap naturel ou un écorégime. « En l’absence de Jérémy Decerle, je presse mes collègues de Renew de se positionner. On essaye de voir qui peut prendre part à la commission agriculture pour continuer à jouer notre rôle ». Et Céline Imart, numéro 2 de la liste LR ? « Elle est en bonne place, mais elle débute. » La tâche sera donc plus ardue que ces dernières années à Strasbourg et Bruxelles.
Yann Kerveno