Et merde ! [par Jean-Paul Pelras]

Cinq heures du matin : accompagner le fiston au bus un peu plus bas dans la vallée par cette petite route qui descend sur une quinzaine de kilomètres à flanc de montagne. Revenir, boire son second café, jeter un coup d’œil aux infos : pandémies, tests, seringues, pass, variants, rien de nouveau… La Chine menace Taiwan, la Russie menace l’Ukraine, l’Iran se rapproche de l’arme nucléaire. Merde, trois fois merde. Que font l’Europe, l’Otan, le monde… ? Marine le Pen tacle Zemmour à Perpignan et à Cerbère, Pécresse passe à la radio pour dire qu’elle est la seule à pouvoir battre l’actuel président, Mélenchon veut faire main basse sur les héritages au-delà de 12 millions, Taubira en croque pour la primaire, Jadot s’y oppose, la gauche n’en finit plus d’exploser, Hidalgo est toujours à 4 % mais, victoire, elle a recueilli ses 500 parrainages, cinq ONG attaquent l’État pour son inaction contre les pesticides provoquant, selon elles, la disparition des oiseaux et des abeilles, que dit le syndicalisme agricole, on attend… Ciotti accuse Macron d’avoir laissé aux Français une France “Orange mécanique”. Merde et remerde, comme tous les matins, toujours cette info qui trie l’info. Gros titres : “Saint Pierre et Miquelon, un député se fait insulter et agresser”, Sous titres : “Anti pass sanitaire, des manifestants gazés”. Et si Ciotti avait raison. Allons, allons, un journaliste ne peut pas dire cela. Et merde, après tout, au point où nous en sommes, pourquoi pas !
Fracturée, divisée, la société française est fatiguée, résignée, usée. Elle cherche le berger qui n’existe pas, elle observe, anxiogène, ces nuages qui ne veulent pas se dissiper.

Comme tous les cinq ans…

Pendant ce temps, le ministre de l’Économie nous dit que tout va pour le mieux, alors que l’inflation vient d’atteindre 5 % en décembre, son plus haut niveau depuis 25 ans. Le prix de l’électricité pourrait subir une hausse record de 25 % en 2022, les entreprises comme les particuliers sont confrontés à la flambée des prix, à la raréfaction des matières premières, aux répercussions de la crise sanitaire. Merde alors. Et pourtant ils nous avaient dit que tout allait bien, que la croissance reprenait, qu’on avait gagné presque 7 points. Que c’était le retour des Trente glorieuses, que la France n’avait pas de quoi pleurnicher, qu’elle pouvait s’estimer heureuse.

Sept heures : troisième café, demain notre fils fêtera ses vingt ans. Vingt ans en 2022, monsieur le président, peut-il s’estimer heureux ?
Un peu plus haut, au-dessus du village, il recommence à neiger. Les prédicateurs scientifiques se succèdent sur les chaines infos, les fabricants de vaccin engrangent 1 000 dollars de bénéfice par seconde, les masques FFP2 sont de plus en plus tendance, les files d’attentes s’allongent devant les pharmacies, Leclerc dit qu’il serait favorable au pass vaccinal dans ses magasins, le sénat devait se positionner mardi sur l’application de ce laisser passer, la réponse est connue, presqu’avouée. Elle n’est même plus attendue.

En début de semaine, Macron visite les habitants sinistrés de la Roya et se rend à Nice sur le chantier du futur hôtel de police pour parler frontières, politique sécuritaire, aides d’État. Un peu comme Le Pen le fit à Cerbère. La boucle est bouclée. Comme tous les cinq ans, les candidats distribuent aux Français le petit bréviaire des marchands de vent et celui des promesses qu’ils ne tiendront jamais. Complaisant, affligeant, emmerdant !

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