Entretien exclusif avec Jean-Pierre Sanson [par FDC66]

C’est un président détendu mais anxieux devant la situation sanitaire du moment qui nous a accordé cet entretien il y a quelques jours. Une envie de rappeler quelques points essentiels que tout chasseur des Pyrénées-Orientales et de Navarre ne saurait oublier.

Président, merci d’avoir accepté ce tour d’horizon cynégétique à l’occasion de cette fin d’année qui coïncide avec la 100e de la newsletter de la FDC66.
Cette 100e newsletter est une grande satisfaction. Notre objectif était de communiquer des informations sur l’activité de notre fédération départementale des chasseurs des Pyrénées-Orientales et parfois de la fédération nationale à tous nos sociétaires. Notre volonté est d’apporter une information fiable, validée par nos techniciens et notre direction. Nous luttons aussi, par là-même, contre les approximations, les rumeurs ou même les malveillances qui encombrent les réseaux sociaux.
D’ailleurs nous ne répondons jamais ou vraiment rarement aux commentaires qui se veulent uniquement polémiques et sans esprit bienveillant et constructif, même si on est bien sûr attentif à ce qui s’écrit et toujours prêt à user des règles de droit en cas de diffamations ou de graves débordements.

Situation sanitaire – Sécurité

L’actualité est encore la situation sanitaire. Cela impacte-t-il les actions de la FDC66 ?
Nous vivons une période qui n’est pas la plus agréable, c’est vrai. La chasse c’est la convivialité. Il est tellement important pour nous de renouer ”physiquement” le contact avec tout le monde, association communale, association intercommunale, chasses privées ou adhérents tout simplement. C’est le souhait de la fédération et de tous nos collaborateurs.
Je ne vous cache pas qu’aujourd’hui, au moment où je vous parle, on a une grande inquiétude en ce qui concerne la tenue de notre prochaine assemblée générale du mois d’avril 2022. J’espère qu’elle pourra se tenir en présentiel parce que malgré les techniques modernes rien ne peut remplacer vraiment ce contact direct. Il en est de même pour toutes les formations qu’on avait l’habitude de dispenser et qui ont été arrêtées simplement parce que le contexte sanitaire ne nous le permettait pas.

La chasse traverse un moment difficile avec la survenue d’accidents en France lors de ce dernier trimestre… Peut-on seulement parler de “loi des séries” ?
Il n’est pas question de donner l’impression de minimiser quoi que ce soit en matière de sécurité. D’autant plus parce que c’est ma, c’est notre priorité absolue ! Quand on analyse les accidents de chasse, on s’aperçoit que, dans 95 % des cas, il y a des manquements aux règles de base. Les règles de base, il n’y en a pas 50 ! Il y en a 3 essentielles : le respect de l’angle de tir, le non déplacement du poste et l’identification du gibier tiré. Déjà, en respectant ces 3 règles, on éviterait pratiquement 95 % des accidents.
Donc, il ne faut pas hésiter à faire le ménage chez nous. On ne peut pas se permettre d’accepter le moindre manquement à ces règles de sécurité. Je rappelle encore aux présidents d’Acca qu’ils sont responsables de l’activité cynégétique de leur secteur. Si quelqu’un ne se plie pas aux règles, il faut le sanctionner. Pour l’instant, dans les P.-O., nous sommes plutôt bien notés, mais c’est un sujet qui ne supporte aucun relâchement.

Peut-être parce que vous avez initié, bien avant l’obligation faite par la loi, une formation à la sécurité ?
Pour notre Fédération et quelques autres en France, ce n’est pas en effet quelque chose de nouveau puisque nous avions anticipé et organisé, depuis deux ans, une formation à la sécurité et aux premier secours. Près de deux cents candidats en ont bénéficié. La loi de 2019 qui a réformé la chasse est venue confirmer l’obligation de cette remise à niveau en matière de sécurité. Ce n’est pas un examen, je parle bien d’une remise à niveau. Il ne faut pas que les gens aient peur d’y aller ! Il n’y aura pas de sanctions ! Par contre, lorsque vous l’aurez passée, ce sera inscrit sur votre validation et cela sera valable 10 ans.
Nous allons les organiser de manière décentralisée dans tout le département, tout au long de l’année. Il y aura des modules de formation dans tous les secteurs du département. Chacun de nos adhérents sera informé individuellement pour s’inscrire.
Tout chasseur doit bien comprendre que c’est vraiment une nécessité aujourd’hui. On ne peut pas se permettre d’avoir un accident par négligence ou par manque de connaissance. Un accident, c’est toujours dramatique, c’est toujours un accident de trop !

Savoir-être et partage de la nature

Ces questions de sécurité peuvent aussi être abordées sous l’angle du partage du territoire avec les autres utilisateurs de la nature… Il y en a de plus en plus et qui ne connaissent pas toujours comment s’organise la pratique de la chasse ?
Globalement, dans les Pyrénées-Orientales ça se passe très bien, il y a peu de problèmes qui nous sont signalés. Je crois par contre qu’on n’a pas suffisamment communiqué, même au niveau national, sur notre véritable utilisation de l’espace chassable. On nous reproche d’utiliser tout l’espace mais en réalité, lorsqu’on analyse les carnets de battue, on s’aperçoit finalement qu’on intervient seulement sur 10 % du territoire sur un week-end.
Donc, il faut qu’on communique là-dessus et organiser le rapprochement avec les autres utilisateurs de la nature, ce qui me semble incontournable. Il n’y a pas de raison qu’on ne puisse pas se parler et que le matin ou la veille on ne puisse pas s’appeler pour dire : ”voilà, on va chasser sur tel secteur.” Je prends l’exemple d’un secteur de chasse de montagne que je connais bien : nous avons utilisé ce secteur de battue deux fois depuis l’ouverture générale de la chasse, donc deux fois depuis le 12 septembre. Je ne pense pas que l’on puisse nous taxer d’utiliser l’espace de façon permanente et il en est de même pour tous les autres secteurs.
Par exemple, la fédération départementale de randonnée des Pyrénées-Orientales nous envoie régulièrement des messages avec une cartographie pour dire : “attention, tel jour il y a une manifestation de randonnée, voici la cartographie, est-ce que vous pouvez informer vos responsables cynégétiques pour essayer d’éviter ce secteur ?” Cela ne pose aucun problème et c’est avec plaisir qu’on communique à nos sociétés de chasse pour qu’effectivement, ce jour-là, on laisse l’espace totalement libre.

On a tendance, notamment dans les médias ou chez vos détracteurs, à uniformiser la pratique de la chasse. Pourtant, elle est multiple. Quel rapport entre une chasse en Sologne et dans la plaine roussillonnaise…?
La chasse dans les Pyrénées-Orientales est une chasse de ruralité, essentiellement populaire et dans certains villages c’est d’ailleurs le dernier lien social qui existe. Les chasseurs sont très attachés au respect de leurs secteurs où ils sont très attentifs à toute modification des habitats. Dès qu’il y a quelque chose qui les inquiète, ce sont des informations qui nous remontent et que nous essayons bien sûr de traiter avec eux. Cette proximité, cette ruralité est un marqueur fort de notre pratique qui va au-delà de la simple question cynégétique. Elle a une implication sociale et même économique essentielle dans nos territoires ruraux.

Jusqu’à parfois être tenté par le repli sur soi ?
L’accueil, bien accueillir de nouveaux chasseurs, c’est un message que je fais passer de façon quasi-permanente. Déjà, c’est aujourd’hui une nécessité car pour réguler certaines espèces, il faut un certain nombre de chasseurs. Mais c’est aussi une opportunité de faire connaître le territoire à des gens qui effectivement ne sont pas toujours des ruraux.
On leur permet d’évoluer dans des sites extraordinaires avec une grande diversité de biotopes. Ici, on passe de la mer à la montagne, de l’altitude zéro à 2 400 m, avec des chasses bien sûr tout à fait différentes. Oui, je crois que l’accueil est quelque chose de très important. En faisant aimer nos territoires, on les fera aussi respecter.
Cet accueil, bien sûr, doit se passer dans le respect des règles et des souhaits des gens qui vivent dans cette ruralité.

Ce respect du territoire est aujourd’hui bien ancré dans l’éthique d’une chasse durable à laquelle vous êtes attaché ?
Le chasseur, comme je vous le disais, est très attentif à la modification des habitats. Il est très respectueux de ces espaces contrairement à ce que certains pourraient penser. Je ne connais pas, dans le secteur où je chasse, des gens qui laissent des restes de déjeuner ou autre. Par exemple, je veille et je demande aux responsables de veiller à ce que toutes les cartouches tirées soient ramenées au refuge. On a mis à la disposition de toutes les équipes des sacs pour récupérer les douilles. On en fait d’ailleurs bénéficier l’association des ”petits doudous catalans”, une association de personnels de l’hôpital de Perpignan qui vendent pour recyclage, et ensuite acheter des jouets pour les enfants hospitalisés.

Biodiversité

Qu’en est-il de vos actions pour la biodiversité, l’environnement ? Vous avez une promesse à tenir : “Chasseurs, premiers écologistes de France !”
Au-delà de la formule, qui a eu le mérite de frapper les esprits, nous sommes engagés depuis toujours, au quotidien, pour préserver notre nature sauvage. C’est une passion certes, mais aussi une exigence car sans cela les milieux se refermeraient, s’appauvriraient et plus aucune activité nature, dont la chasse, ne serait possible. Nous avons toujours quelques grands projets en cours, comme par exemple sur la zone humide des Sagnes d’Opoul. C’est un projet de préservation qui est même validé par l’Agence de l’eau, par le Conservatoire du littoral, le syndicat Rivage, qui est aussi appuyé par le Département et la Région. C’est un partenariat pratiquement unique en France !
Ces projets innovants sont destinés à la réhabilitation des milieux de façon à ce que les espèces ne disparaissent pas et retrouvent effectivement leur lieu de nidification. Ce genre de travail, on le mène également avec l’université de Perpignan dans le cadre de la licence de gestion des territoires (GADER). Nous encadrons les étudiants sur un gros travail d’expertise de territoire. Ils devront rendre un rapport et faire des propositions d’amélioration. Donc, sur la biodiversité, nous n’avons aucune leçon à recevoir de personne ! C’est un sujet que l’on traite tous les jours. C’est de la biodiversité pure, c’est de la vraie écologie car qui dit disparition des habitats dit disparition des espèces, donc tout est lié.

Encore un exemple, le petit gibier reste aujourd’hui très difficile à gérer. L’impact de de l’urbanisation, de la dégradation des milieux est profond. On peut améliorer la situation par l’amélioration des habitats. Lorsque les habitats se détruisent, le petit gibier disparait. Donc on a un rôle très important à jouer, certes en faveur de l’activité cynégétique, mais surtout en faveur des habitats. Plutôt que de lâcher du gibier qui n’est pas une bonne solution et qui n’apportera rien, il faut s’occuper du territoire pour faire revenir le gibier qui est encore sédentaire et qui existe !

Nouveau Schéma départemental de gestion cynégétique

Un grand chantier vous attend dès le début de l’année 2022 : le prochain SDGC.
En effet, nous sommes en train de préparer le renouvellement du Schéma départemental de gestion cynégétique pour les six prochaines années : 2022 – 2028. L’objectif est de planifier toutes nos démarches cynégétiques : habitats, gestion du gibier, sécurité… Tout doit être abordé.
Chaque membre du conseil d’administration a une fonction à l’intérieur de ce schéma et s’occupe d’un dossier en particulier : petit gibier, grand gibier, gestion perdrix grise, etc. Mais chaque fois qu’on renouvelle le Schéma départemental, au-delà des instances dirigeantes de la FDC66, il faut que tout le monde amène sa pierre à l’édifice. On a préparé un questionnaire qu’on va diffuser à l’ensemble des responsables cynégétiques du département pour recueillir leur ressenti, leurs souhaits, toujours bien sûr dans le cadre de la loi qui fixe ce qu’on peut faire ou qu’on ne peut pas faire. C’est vraiment un document participatif. Ce schéma, une fois élaboré, sera soumis à l’approbation du préfet qui prendra alors un arrêté d’application et sera opposable à tout le monde.
C’est un chantier colossal qui va porter les fondations de nos pratiques de chasse pour les 6 ans à venir.

Nous entrons dans une année particulière d’élection présidentielle…
Je ne peux pas comprendre, aujourd’hui, que la chasse puisse être un enjeu électoral national. Je pense qu’il y a des sujets bien plus importants. Et je vais vous dire, pour résumer de façon très claire ma pensée : nous n’avons aucune leçon à recevoir de personne ! Beaucoup de nos détracteurs feraient bien de commencer à balayer devant leur porte ! Après, nous sommes ouverts au dialogue… Mais le dialogue ce n’est pas l’opposition permanente, c’est un dialogue ! Donc les polémiques, en ce qui me concerne, on n’a pas de temps à perdre avec elles. Je me concentre sur ce chantier colossal qui va porter les fondations de nos pratiques de chasse pour les six ans à venir et je vais m’investir comme d’habitude à 200 % pour permettre la réalisation de tout ce qui va s’inscrire dans ce prochain schéma.

En attendant, je voudrais vraiment souhaiter les meilleures fêtes de fin d’année possibles, dans ce contexte si particulier, pour tous nos adhérents et leur famille, nos amis et partenaires.
Et surtout prenez bien soin de vous toutes et tous. La vie est précieuse !

FDC 66

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