Du crépitement de l’aiguille à la playlist du smartphone [par Karo et Didoo]

Noël et la fin d’année, pas toujours facile de trouver quelqu’un d’inspirant, mais comme souvent, le hasard est souriant. J’avais dans la tête depuis plusieurs jours “Ce petit cabanon au bord de la mer sur les roches, pas plus grand qu’un mouchoir de poche” et je me suis rappelé de ces vieilles musiques nasillardes diffusées sur ces vieux gramophones dont les saphirs usés offraient de magnifiques concerts de grésillements. Ce qui nous a interpellés à travers ce souvenir, c’est l’évolution des supports musicaux. Passer en moins de 100 ans des 78 tours au 128 GB ROM du téléphone portable qui ne nécessite plus aucun support pour stocker et écouter à l’envi des milliers de chansons, nous a semblé être suffisamment pertinent pour s’y intéresser.

L’enregistrement sur disque plat a été mis au point par l’Allemand Émile Berliner en 1887. À partir de l’invention de l’amplificateur électronique vers 1920, on a pu obtenir un son plus puissant en transformant le mouvement de l’aiguille en courant électrique. L’aiguille extrayant peu de puissance mécanique du sillon, il n’était plus nécessaire qu’elle appuie aussi fort. Le bénéfice était immédiat : le frottement, et donc le bruit de fond diminuait, et le disque s’usait moins vite. Vincent Scotto, Montand, Piaf, Chevalier, Dario Moreno, la Callas, les grands classiques, mais aussi le progrès et la nouveauté, Karo se souvient encore du gramophone de son père grâce auquel il a pu apprendre le Russe sur les 78 tours de la méthode Assimil. J’en ai encore une vision des plus ébahies, entendre un son sortant d’une boite en bois, un souvenir fabuleux pour une petite fille !

La révolution fût le passage des 78 tours aux 45 et 33 tours. Le développement du polychlorure de vinyle, une matière plastique, et le développement des tourne-disques à amplificateur électronique ont permis l’amélioration du disque phonographique à sillon standard, multipliant par cinq ou six la durée d’écoute pour un disque de même taille, sur un matériau plus durable et léger. L’enregistrement peut être stéréophonique. En 1946, la Columbia Records dépose un brevet aux États-Unis pour un disque plat en vinyle, qui ne peut être joué que sur un tourne-disque à amplification électronique. L’utilisation du vinyle, une matière plastique thermoformable, accélère aussi la production et diminue le coût de reproduction, d’emballage et d’expédition, le disque étant considérablement plus léger. Nous avons l’explication de la chimie à l’origine des boums de notre jeunesse. Là, il y en avait des piles de 45-tours avec nos prénoms écrits dessus, on aimait danser, c’était les copains d’école, de jeunesse, de quartier, avec Cloclo, Dalida, Sheila, C. Jérôme, Dave, Lenorman, Delpech, Fugain, Mike Brant, les Aphrodite Child… Mais on découvrait aussi les Beatles, les Rolling Stones, Eddie Cochran, Presley, ABBA, Bee Gees, Eagles, Pretenders…

Et le vinyle continue de tourner

Et puis, trois ans de plus dans nos vies, l’accession au monde du travail. Nous avons pu ainsi commencer à nous acheter la collection de 33 tours, les variétés, Cabrel, Goldman, France Gall, Dassin, Johnny, Sylvie, Nicoletta, Distel, mais aussi les chanteurs engagés à cette époque-là, Dick Annegarn, Béranger, Bernard Lavilliers, Gilbert Lafaille, Ferrat, Ferré, Brassens. Et tant d’autres…
La vague disco, cette musique issue des genres funk, soul, pop était le tournant d’un millénaire et nos journées étaient rythmées par la fièvre du samedi soir, Boney M, James Brown, Jackson, George Michael (Wham!), OMD, Irène Cara, Tina Turner, Ottawan, Donna Summer, Sabrina et ses boys, Barry White, Eurythmics, Culture Club, Gloria Gaynor…
Le succès du disque compact (CD), que Philips a lancé en 1983, a entraîné la décroissance progressive de la diffusion de la musique sur disque microsillon. Les derniers 33 tours de grande production furent diffusés en 1991, et les derniers 45 tours en 1993. Apparaissent ensuite les clés USB, les cartes mémoires dites micro SD avec une possibilité exponentielle de capacité de stockage. Tout cela disparaissant au profit des “applis” d’écoute en ligne.

À partir des années 2000, la part des téléchargements et, à partir de 2005, de l’écoute en ligne, croissent au détriment du CD. En 2020, la consommation de la musique sur support matériel n’occupe plus que 7 % des parts du marché mondial de la diffusion de musique enregistrée. Dans cette faible partie, les ventes de microsillons augmentent au détriment de celles de CD. En 2020 aux États-Unis, pour la première fois depuis les années 1980, les revenus de vente des disques vinyle ont dépassé ceux du disque compact. Et c’est ainsi que la boucle est bouclée. 
Mais la musique continue avec Manu Chao, Louise Attaque, Beyoncé, Grégoire, Lady Gaga, Zaz, Jenifer, Maé, GCM, 3 cafés Gourmands, Vianney, Doré, Angèle, Stromaé, Luciani… Les vieux qui restent, les jeunes qui arrivent. Voilà, à travers cet article nous espérons vous avoir remis en mémoire ce petit air que vous aimez fredonner et, tel le ver dans le fruit, va vous poursuivre des jours et des jours, sans vous lâcher, même en se disant résiste, prouve que tu existes, et va vous accompagner tout au long de cette nouvelle année que nous vous souhaitons tous les deux, de bon cœur. 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *