Coûts de production : la conjoncture et le contexte [par Yann Kerveno]

Deuxième volet de notre plongée en compagnie des calculettes des exploitations. Cette semaine, Frédéric Guallar, vigneron coopérateur et Joël Ormeno, maraîcher et arboriculteur, témoignent des soucis que leur apportent les hausses de prix. La conjoncture n’est pas seule en cause.
Frédéric Guallar

Frédéric Guallar est vigneron coopérateur. Installé à Estagel, il livre ses raisins à la cave Arnaud de Villeneuve à Rivesaltes. Il a listé pour L’Agri les augmentations les plus sensibles de ces derniers mois qui viennent peser sur ses coûts de production. “Pour le gas-oil, j’avais stocké donc je n’ai pas encore subi l’augmentation la plus importante. Mais il était passé de 0,80 € le litre à 0,96 à la fin de l’année dernière”. Il a, par contre, subit celle du fer. “Le fil de fer était à 1,60 € le kilo en 2020, il est passé à 2,05 € le kilo l’an passé. C’est pareil pour les piquets métalliques. Ils étaient vendus à 2,35 € l’unité en 2020 et 3,28 euros l’an passé.” Mais c’est pour les engrais que la hausse est la plus spectaculaire. “L’année dernière, j’ai mis de l’ammonitre 33,5 que j’ai alors payé 385 € la tonne. Mais cette année, j’ai décidé de faire l’impasse, en raison du prix, c’est près de 800 euros la tonne sur internet. J’ai fait ce choix à cause du prix mais aussi en regard des difficultés d’approvisionnement” explique le vigneron d’Espira de l’Agly.

Impasse

“Coup de chance, j’ai l’habitude de ne procéder à ce type d’amendement qu’une année sur deux et ça tombe bien, je me suis contenté d’un amendement foliaire.” Du côté des phytos, c’est le glyphosate, sous forte tension, qui a le plus augmenté selon ses notes. Il est passé 3,05 € le litre en février 2021 à plus de 8 euros ce printemps. “Pour les autres phytos, j’achète au compte-gouttes, je n’ai donc pas encore de vision de ce qui s’est passé cette année. Entre 2020 et 2021, la dernière fois que j’en ai acheté, les hausses ont été modérées, je verrai ce que cela donne en fin de campagne.”

Joël Ormeno

Pour Joël Ormeno, qui est installé à Palau del Vidre, la problématique n’est pas seulement conjoncturelle. Les prix n’augmentent pas uniquement à cause de la guerre en Ukraine et des tensions géopolitiques ici ou là. Et tout pèse sur le coût de production. “C’est tout notre environnement qui change. On peut citer l’impact de la loi sur l’eau, la déclaration des forages, qui font que nous payons l’eau de plus en plus cher avec un accès de plus en plus difficile. L’autre évolution qui nous coûte cher, c’est le retrait des plastiques pour le conditionnement de nos produits et je ne parle pas du coût du travail qui aura pris cette année entre 5 et 10 % pour le Smic, cela a une incidence très forte pour nos métiers qui sont de gros employeurs de main-d’œuvre…” Son entreprise emploie huit personnes à l’année, auxquelles s’ajoute une trentaine pendant la saison des pêches. Ajoutez à cela le contexte ukrainien et c’est tout le modèle qui se retrouve sérieusement bousculé.

Colisage

Pour bien comprendre, il détaille quelques chiffres. “Si l’on parle du colisage de la salade, cela peut représenter aujourd’hui 20 % du prix, soit 15 centimes par pied ; pour la pomme de terre, c’est peut-être 10 %. Ce que je ne comprends pas, c’est qu’on aurait pu basculer sur du plastique recyclé, qui n’ajoute donc pas à ce qui est produit en neuf, plutôt que de nous interdire son utilisation.” Quand on lui demande s’il a pu répercuter cette hausse des charges, il sourit un peu amèrement. “Les prix augmentent chez nous et ils augmentent aussi chez nos clients, mais comme nous sommes les premiers de la chaîne, oui, c’est peut-être nous qui sommes les plus pénalisés parce qu’en plus, nous ne sommes pas en mesure de fixer les prix. Donc, nous sommes contraints de subir.” Et pour la suite ? La situation agite des questions nouvelles, à la production comme à la vente. “Peut-être faut-il réfléchir vite à un changement de système de vente, peut-être faire plus de local ? Développer la vente par internet” s’interroge-t-il.

La semaine prochaine, nous verrons quels sont les (maigres) leviers, qu’il est possible d’actionner pour l’avenir.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *