40 heures d’approche pour une flèche

Dans l’Aude, la Fédération départementale des chasseurs et l’Association des Chasseurs à l’Arc organisent plusieurs formations chasse à l’arc chaque année. Avec de plus en plus de curieux, cette pratique silencieuse attire pour la proximité qu’elle requiert avec le gibier.

Si le permis de chasser ainsi que l’attestation chasse à l’arc sont obligatoires pour chasser à l’arc, le permis de chasser n’est pas obligatoire pour participer à cette formation qui a rassemblé plus d’une trentaine de candidats cette année dans l’Aude. Cette journée de formation obligatoire vise à enseigner les aspects réglementaires, l’éthique d’une chasse en vogue, les bases de sa pratique et les règles de sécurité qui l’accompagnent. « Nous souhaitons transmettre les valeurs de cette chasse qui dispose de la même législation que le fusil, les mêmes droits et obligations, mais qui n’a rien à voir avec l’approche à la carabine », témoigne Benoît Barthas, membre de l’Association des Chasseurs à l’Arc de l’Aude.
Lors de la dernière formation de l’année, sur la quinzaine de candidats, la majorité avait son permis depuis peu et ne l’avait jamais validé. Si la curiosité est le leitmotiv dominant, certains ont leurs raisons de s’intéresser à la chasse : l’un est là « parce que pour le beau-père c’est important », et l’une veut pouvoir « parler le même langage » que ses voisins chasseurs.

Se défendre des lièvres

Fabienne, agricultrice dans les Hautes-Corbières, vient de passer son permis de chasser « pour comprendre le monde des chasseurs » qui l’entoure et la curiosité l’a amenée jusqu’à la formation chasse à l’arc. « L’arme à feu c’est impressionnant, j’ai été curieuse de faire du tir à l’arc sans forcément penser à chasser. J’ai une culture de safran dont les lièvres viennent manger les tiges, c’était aussi l’envie de pouvoir me défendre et de parler au même niveau que les chasseurs. » Pour Bruce Dhollande, chasseur depuis 2022 et ancien tireur de précision au 110e RI : « La chasse à l’arc est une grande randonnée où tu en prends plein la vue. J’ai passé le permis de chasse, les agréments piégeurs puis la formation chasse à l’arc car c’est un chemin qui tourne autour de la nature. »

« Il vaut mieux ne pas tirer plutôt qu’un tir aléatoire » explique Didier Malet.

À l’arc, la bredouille est honorable

Que ce soit à l’approche, à l’affût, en battue ou devant soi, petits et grands gibiers peuvent être chassés avec plusieurs types d’arcs de chasse comme l’arc droit, à courbure ou à poulies. En offrant une nouvelle relation à la nature et au sauvage, la chasse à l’arc nécessite beaucoup d’entraînement et de bonnes conditions physiques. Selon Benoît Barthas, il faut compter une quarantaine de sorties à l’approche pour une seule flèche de tirée. « Huit heures d’attente pour 30 secondes d’adrénaline. Et c’est ce côté méritant qui est recherché par les chasseurs à l’arc. » Et Didier Malet, secrétaire de l’association d’ajouter : « C’est aussi une pratique qui nécessite une grande maîtrise de soi pour se retenir de tirer. Il vaut mieux ne pas tirer qu’un tir aléatoire. »
L’association audoise, riche de 20 printemps, qui compte 35 adhérents et deux noyaux durs du côté de Narbonne et de Castelnaudary, se réunit tous les seconds week-ends du mois dans la forêt départementale des Martys pour faire découvrir sa pratique.

Un réseau associatif soudé

« Il y a tous les profils, ceux qui chassent à l’arc et au fusil, ceux qui ont abandonné le fusil et ceux qui sont arrivés à la chasse par l’arc », témoigne Didier Malet. « Un engouement commence à naître, notamment sur les réseaux sociaux et les chaînes spécialisées à travers des reportages et cela fait un effet boule de neige. La chasse à l’arc a une très bonne image en France, il faut la perpétuer. »
« La particularité de la chasse à l’arc en France, c’est qu’elle a un réseau associatif géré par des bénévoles où trois règles règnent : chasser léger, toujours plus près et se créer les conditions d’un tir facile. La première car la chasse à l’arc demande peu de matériel et que c’est la démarche personnelle du chasseur qui est essentielle, la deuxième car nous savons grâce à nos fiches de prélèvements que la distance moyenne du tir du grand gibier est entre 9 et 12 mètres, et la troisième car ce n’est pas parce que le gibier est là qu’on le tire. La mise en œuvre de l’arme dépend à la fois de ce qui se passe sur le terrain, des aptitudes et de ce à quoi le chasseur à l’arc s’est entraîné. On ne met pas en œuvre ce qu’on ne sait pas faire », explique Éric de Lavenne, actuel président de la Fédération des Chasseurs à l’arc de France. « Le chasseur à l’arc est souvent un chasseur solitaire et c’est la quintessence de notre art que de prélever un grand gibier à l’approche ou à l’affût, pourtant les chasseurs à l’arc de France ont développé depuis 20 ans une compétence collective. C’est donc aujourd’hui une pratique solitaire qui a réussi a développer le savoir-faire de la chasse collective, que ce soient les archers entre eux, ou les archers au milieu de leurs camarades chasseurs à la carabine. »

Justine Bonnery

La fédération nationale des chasseurs à l’arc compte 3 100 adhérents, dont 400 instructeurs, contre 2 200 il y a neuf ans, et 95 associations départementales. Mais la chasse à l’arc serait pratiquée par 15 000 personnes.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *