Y aura-t-il bientôt plus de raisin à Montmartre que dans les P.-O. ? [par Jean-Paul Pelras]

La visite du préfet dans les vignes, finalement, depuis une douzaine d’années, c’est toujours un peu la même rengaine : “Pertes de rendements, déficit de notoriété, recul des installations, projets d’irrigation en souffrance, dégâts de sangliers, intempéries, maladies, flavescence, mildiou, sècheresse, marché des VDN désastreux, pas mieux en muscat, CVO inacceptables (non, ça ils ne le disent pas dans les réunions, ils le disent dans les vignes…)”. Et cette petite musique qui revient comme le friselis des vagues entre deux tempêtes : “Nous avons encore perdu des hectos.” Yann Kerveno le dit dans son article, entre 2006 et 2020 nous sommes passés de 1 million à 450 000 hectolitres. Soit une perte moyenne de 40 000 hectos par an. À ce rythme-là, encore 10 vendanges et il y aura davantage de raisin à récolter sur la butte Montmartre qu’en Roussillon. Il sera alors difficile de maintenir en activité le même nombre d’organismes et de dirigeants censés gérer la viticulture départementale. Tout comme la question des Cotisations volontaires obligatoires ne se posera plus, puisqu’elles deviendront aussi rares que le nectar dont elles sont issues.
Avec, qui plane sur nos terroirs, le murmure plus que perceptible d’un arrachage attendu par ceux qui ne font plus un rond avec le muscat, qui ne trouvent plus de repreneurs, qui en ont marre de voir les sangliers vendanger à leur place, qui n’ont plus la force d’investir, qui ne veulent plus vivre avec 400 euros par mois et des dettes à n’en plus finir. Voilà où est la réalité. Celle que, par déni surement, trop de responsables ne veulent plus voir.
Alors que faire ? Le sénateur Calvet (voir article dans l’Agri du 24 septembre 2020) propose une solution, en évoquant “l’opportunité de Matignon” (qui n’est peut-être qu’un leurre mais qu’il faut tenter, sachant que ce train-là ne repassera pas en gare d’ici plusieurs décennies). Matignon avec Castex et la nécessité de fédérer sans délai un groupe de décideurs capables de porter le message au plan local, régional et national. Un message à 200 millions d’euros pour commencer si, par exemple, à raison de 20 000 euros l’hectare (hors foncier), l’on veut replanter au moins 10 000 hectares et sécuriser l’existant. Ce qui sous-entend la mobilisation d’ilots irrigués et un financement porté en totalité par l’État et les collectivités territoriales. Sinon ? Et bien sinon, rendez-vous dans dix ans à Montmartre !

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