Vous reprendrez bien un peu de… “COPA” ! (Par Jean-Paul Pelras)

“Suite aux actes de violence commis en France la semaine dernière contre des transports de fruits et légumes, entre autres d’origine espagnole, le COPA et le COGECA ont condamné publiquement, comme ils l’ont fait chaque fois que cela s’est produit, l’attitude injustifiable des producteurs français. Afin d’assurer le respect des règles du marché unique, le COPA et le COGECA demandent aux instances de l’Union et aux autorités françaises de prendre toutes les mesures nécessaires, notamment d’ordre public et judiciaire pour arrêter ces actes de vandalisme. Le COPA et le COGECA demandent à la Commission d’accélérer la procédure en cours à l’encontre du gouvernement français concernant les mesures prises par celui-ci pour assurer la libre circulation des marchandises.” Ce courrier daté du 21 mai 1997 est adressé au commissaire européen Franz Fischler par Luc Guyau et Jos Ewert, alors respectivement présidents du COPA et du COGECA. Précisons que Luc Guyau était, à ce moment-là, également président de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles… Le 13 juin suivant, un courrier du même acabit et rédigé par les mêmes signataires fut adressé à Wim Kok, alors président du Conseil européen. Dans la foulée, en tant que président du CDJA des P.-O., je demandais, avec mon secrétaire général Pierre-Jean Savoldelli, la démission du patron de l’agriculture française. Requête qui, bien sûr, nous valut une belle bordée de désagréments et ne fut jamais entendue. Précisons enfin qu’à cette époque je siégeais rue de la Boétie, à Paris, au conseil d’administration du Centre national des Jeunes Agriculteurs alors présidé par Christiane Lambert. Une période compliquée pendant laquelle j’entretenais une certaine dissidence au sein de la maison mère, la considération envers les paysans du Midi de la France n’ayant rien à voir avec celle consentie aux céréaliers établis outre-Loire.

Sorte de club syndical…
Christiane Lambert qui est donc devenue, depuis, présidente de la FNSEA avant d’être élue la semaine dernière à la tête du COPA (Comité des organisations professionnelles agricoles de l’Union européenne). Sorte de club syndical, fondé en 1962, établi à Bruxelles qui exerce une activité de lobbying auprès des institutions et notamment auprès de la Commission européenne. Par les temps qui vont, l’on pense bien sûr aux enjeux que représente la réforme de la PAC, mais également les tractations concernant les accords de libre-échange Mercosur, CETA, ou encore l’impact qu’aura le brexit sur l’agriculture des 27.
Reste à savoir si la nouvelle présidente de cet organisme va expliquer aux responsables syndicaux espagnols, portugais, grecs, italiens, allemands, bulgares, roumains ou polonais qu’ils doivent respecter les producteurs français en arrêtant d’usurper leurs marchés traditionnels à des prix défiant toute concurrence avec, pour doper la compétitivité, une seule règle : le moins disant social.
Serpent de mer européen qui fraye dans les eaux basses de l’hypocrisie syndicale et politicienne depuis au moins trois décennies, comme en témoignent les propos tenus par Guyau voilà 23 ans. Sur ce terrain-là, personne n’a jamais osé toucher à la hache, mis part quelques fantassins isolés dans un Sud français que l’on n’écoute plus et que, à bien y regarder, l’on n’a jamais écouté. Trop loin, pas crédibles, trop comédiens, pas assez structurés…
Et puis il y a ces échanges qui font que l’on envoie du blé sur le pourtour méditerranéen pour contenir les famines alors que, dans le même temps, l’on importe des fruits et légumes en provenance de ces mêmes pays pour fixer, in situ, les populations. Les “eaux virtuelles de la Méditerranée”, même si le Printemps arabe a quelque peu redistribué les cartes, étant toujours d’actualité.

Par confort ou par déni…
Alors pourquoi reprendre un peu de COPA, si ce n’est pour ne pas perdre la main sur une Politique agricole commune menacée par un verdissement jusqu’au boutiste tout autant inapplicable qu’inacceptable ? Peut-être ! Et Christiane Lambert aura certainement fort à faire sur ce dossier pour limiter les dégâts. Sur celui des distorsions sociales, fiscales et environnementales, nous pouvons, en revanche, nous demander comment elle va s’y prendre, sachant qu’avant de régler le problème des importations extracommunautaires il faut peut-être se pencher sur la question des compétitions intra-européennes.
Quand Guyau suggérait d’embastiller les paysans du Midi, les P.-O. produisaient encore 220 millions de pieds de salade, ils n’en produisent plus que 35 millions, l’arboriculture comptait ici 14 000 ha, elle en compte moins de 4 000, le maraichage est tombé de 8 000 ha à moins de 1 300, nous produisions 2 millions d’hectolitres de vin, nous n’en produirons que 450 000 cette année. Entre temps, l’Espagne a quadruplé ses productions et elle exporte du vin à 25 euros l’hecto sur le sol français alors qu’il en coûte à minima 60 euros au vigneron audois ou roussillonnais pour honorer ses coûts de production.
Alors, bien sûr, certains dirons, rue de la Baume ou de la Boétie, que je tiens le même propos depuis bien longtemps. Un propos que, par confort ou par déni, beaucoup font mine d’ignorer. Et pourtant…

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