Viticulture : le verre à moitié plein, le verre à moitié vide

Comme chaque année, au moment des vendanges, à l’initiative de la Chambre d’agriculture des P.-O. et du Syndicat des Vignerons, une visite de terrain en présence du préfet et des élus locaux était organisée dans les vignes. Ambiance !

Commençons par la fin d’une réunion qui dura plus de trois heures en citant Philipe Chopin, préfet des P.-O. : “Il y a, en agriculture, des activistes positifs et des activistes négatifs.” Au risque de nous retrouver classés dans la seconde catégorie, évoquons d’emblée quelques chiffres. En précisant au préalable qu’ils sont susceptibles de heurter la sensibilité de certains lecteurs. En 1989, la viticulture des P.-O. comptait 48 533 hectares. En 2019, elle n’en compterait plus que 20 656. Côté volumes, le scénario est tout aussi insoutenable puisque nous sommes passés, pour la même période, de 1 755 000 hectolitres à 530 000 hectos (estimation vendange en cours). Ce qui donne un rendement moyen à l’hectare de 26 hectolitres, contre 37 l’an passé. Précisons enfin que, sur les 35 dernières années, 46 367 ha ont été arrachés et 22 272 ont été replantés. Entre-temps 24 095 ha sont donc sortis des radars.

Échaudage : entre 60 000 et 80 000 hectos perdus
Alors, bien évidemment, il faut, pour expliquer cette dégringolade, évoquer la canicule de cet été et l’effet dévastateur de l’échaudage, avec une perte de volume estimée entre 60 000 et 80 000 hectos sur environ 6 500 ha. Mais aussi un vignoble vieillissant, des coûts de productions trop élevés ou encore un manque de valorisation et un renouvèlement des installations insuffisants. Également pointée du doigt, la conjoncture, avec une baisse des sorties à la propriété de 16 % par rapport à l’an passé, soit 64 000 hl en moins pour les vins secs. Et moins 13 %, concernant environ 20 000 hl, pour les VDN.
Passons à présent au verre à moitié plein et redevenons “positifs” en signalant (chiffres CIVR) : “Une belle valorisation de la quasi-totalité de nos productions en cette fin de campagne 2018-2019, aussi bien pour nos AOP & IGP vins secs que pour nos vins doux naturels. Très belle progression des cours en particulier pour les IGP rouges qui connaissent une hausse remarquable de + 23 % ; les CDR toutes couleurs confondues (+ 6 % pour les rouges, + 6 % pour les rosés et + 4 % pour les blancs) ; les CRV et DGC qui enregistrent des hausses comprises entre + 4 % et + 17 % ; les Maury doux en hausse de 20 % ; les Muscats de Rivesaltes et Rivesaltes pour lesquels la hausse des prix est bien effective en amont”.

“La société s’affole ou on affole la société”
Ensuite ? Et bien ensuite, après avoir effectué une visite à la cave coopérative “Les Vignerons des Albères”, à Saint Genis puis au Domaine Deprade-Jorda, à Argelès, c’est au Chai Deprade que s’est tenue la réunion où furent évoqués la situation et les enjeux de la filière. Rien de neuf sur la photo par rapport à l’année précédente, si ce n’est que Fabienne Bonet est devenue entre-temps présidente de la Chambre d’agriculture, que Guillaume Ribes l’a remplacée à la tête de la Coopération départementale et que Laurent Girbau siège désormais à la place de Denis Pigouche pour le Syndicat des Vignerons et à celle de Jean Louis Salies pour l’IGP Côtes Catalanes. Au menu des débats, les difficultés que va traverser la Chambre d’agriculture avec une amputation du budget annuel qui serait de l’ordre de 375 000 euros et les zones de non traitement dénoncées par Laurent Girbau : “La société s’affole ou on affole la société qui a complètement oublié la peur de manquer et qui a peur de s’empoisonner”. Laurent Girbau qui dénonça également les retards de paiement MAEC et bio.
Philipe Bourrier, président du CIVR est ensuite intervenu pour évoquer la dématérialisation qui évolue de façon favorable et dresser un bilan positif de “Perpignan ville européenne du vin”. Guillaume Ribes a évoqué le dossier calamité en cours et le fait que peu de vignerons soient assurés car ce dispositif est pour l’instant peu efficace. Guy Jaubert, président des Vignerons Indépendants, a précisé que 50 % des exploitations (VI) sont engagées en démarche environnementale et a plaidé pour la mise en place de “MAE simples et versées dans les temps”.

“Est-ce qu’on veut encore un vignoble sur la Côte Vermeille ?”
Georges Roque, président du Cru Banyuls a évoqué le risque que pourrait représenter la fin du désherbage chimique sur ce secteur en posant cette question : “Est-ce qu’on veut encore un vignoble sur la Côte Vermeille ?” Guy Esclopé, conseiller régional, évoqua dans la foulée le soutien de 750 000 euros apporté au GICB. Alors que, passablement irrités par l’intervention de Georges Roque, Hermeline Malherbe présidente du Département et Pierre Aylagas, président de la Communauté de communes Albères-Côte Vermeille revenaient sur les soutiens apportés par les collectivités territoriales, tout en préconisant une adaptation technique de la viticulture aux exigences environnementales.
Enfin, Fabienne Bonet lança le débat sur les énergies renouvelables en montrant du doigt les “fausses serres photovoltaïques” et en sollicitant l’arbitrage du préfet pour trancher sur la valeur agronomique ou expérimentale de certains projets. Le préfet qui proposa dans sa conclusion de lancer prochainement dans les P.-O. les “États généraux des énergies renouvelables”.

Jean-Paul Pelras

Les participants :
Philippe Chopin, préfet des P.-O. ; Hermeline Malherbe, présidente du Conseil Départemental ; Guy Esclopé, Conseiller régional ; Jean Sol, sénateur ; Antoine Parra, maire d’Argelès sur Mer ; Pierre Aylagas, président de la Communauté de communes ; Séverine Cathala pour la DDTM ; ainsi que des représentants des administrations concernées et des représentants des filières viticoles et agricoles.

Retenues collinaires : l’intervention (très intéressante) de Denis Surjus

En l’absence de Claude Jourda, traditionnellement préposé aux questions hydrauliques, c’est Denis Surjus, nouvel élu Chambre, qui exposa la question des retenues collinaires : “Chaque année dans ce département, 16 millions de mètres cubes partent à la mer et la viticulture manque d’eau. L’Agence de l’eau et la DREAL restreignent les besoins agricoles. Avec l’appui de certaines associations, ces organismes ne veulent pas qu’il y ait une révision des débits réservés alors que, en 2016, la préfete Josiane Chevalier était intervenue dans ce sens. Concernant les retenues collinaires il faut savoir que, dans la Creuse ou dans l’Aveyron, les éleveurs achètent le fourrage en Espagne car ils n’ont plus d’eau. Alors que, de l’autre côté des Pyrénées, les retenues collinaires sont autorisées… Dans les P.-O., la Chambre d’agriculture a répertorié 70 sites. Nous espérons qu’au moins 20 dossiers seront retenus.”
Et Denis Surjus de rajouter : “Voilà ce que coûterait et rapporterait une retenue collinaire : 500 000 mètres cubes retenus permettraient d’irriguer 500 ha de vignes et de produire 25 000 hl à raison de 50 hl/ha. Ce qui générerait 4 à 5 millions d’euros de chiffre d’affaires. Le coût d’une retenue étant de 8 millions d’euros, elle serait donc rapidement amortie en 2 ou 3 ans.” Précisons qu’à la fin de cette intervention, Hermeline Malherbe préconisa une certaine “prudence sémantique” en faisant notamment référence aux interventions passionnées de Claude Jorda : “Évitez de provoquer. Vous allez tout de suite mettre des gens contre vous. Si une partie de l’eau douce n’est pas rejetée à la mer, attention au biseau salé. À terme, vous risquez d’irriguer les vignes avec de l’eau salée”.

J-PP

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