Vins : l’envers de l’étiquette

Clarification du message sur le pays d’origine, augmentation du pictogramme destiné aux femmes enceintes. Le législateur va devoir trancher. Ou tenter de satisfaire tout le monde. Exercice périlleux.
Approuvé par l’Assemblée nationale puis retoqué par le Sénat, l’amendement destiné à rendre obligatoire sur les étiquettes une inscription lisible concernant l’origine des vins n’a pas été accepté par le Gouvernement. Il devrait pourtant être à nouveau voté par les députés. Ces derniers ont, en effet, dans la nuit du 17 au 18 juillet, réintroduit la dite proposition dans le cadre de la Commission chargée d’étudier la future loi devant être soumise au vote de septembre. Une inscription réclamée par le monde viticole qui devrait permettre d’indiquer clairement l’endroit où le vin a été produit. Sachant que, jusqu’à présent, ce type d’information souffrait d’approximations, d’inexactitudes, d’une lisibilité aléatoire et d’un détournement de l’origine avec des intitulés sur l’emballage pouvant susciter une certaine confusion. Avec des bouteilles ou des bag in box qui évoquaient le vin français alors qu’il était produit en Espagne.
La viticulture aura-t-elle raison de ces atermoiements et de ces allers- retours législatifs ? C’est ce qu’espère l’Héraultais Jérôme Despey, président du Conseil spécialisé vin FranceAgriMer et fervent défenseur de cette mesure. Il a, à ce titre, récemment rencontré le ministre de l’Agriculture pour l’inviter à revenir sur sa position. Ce que fit de toute évidence le Gouvernement en donnant un avis favorable pour le réexamen du texte.

L’influence de l’affaire du rosé francisé
Le hasard n’étant peut être qu’une vue de l’esprit, nous constaterons toutefois que cette volteface intervient au lendemain de l’affaire dite du rosé francisé évoquée au cœur de l’été par tout ce que notre pays compte comme médias et autres prescripteurs d’opinions. Notons que l’arnaque en question avait déjà été révélée par les services des Fraudes l’an passé. Des irrégularités qui concernaient quelques 70 000 hectolitres commercialisés sous pavillon français alors qu’ils avaient été produits en Espagne, pays qui concentre à lui seul 70 % des volumes importés. Il était notamment question de bag in box utilisés dans certains restaurants où le vin est vendu au pichet en tant que vin de pays. Alors que, derrière le comptoir, il est tiré dans des BIB estampillés “vin de la communauté européenne”. Un volume non négligeable puisqu’il pourrait concerner jusqu’à 2 millions d’hectos de vin espagnol. Des bag in box pour lesquels Denis Pigouche, président du Syndicat des vignerons des P.-O. déclarait l’an passé : “les mentions obligatoires posent problème. Des lettres de 1,2 millimètres c’est illisible et confusionnel. Il faudrait que l’origine soit indiquée avec des caractères 10 fois plus gros.”

Pictogrammes mortifères
Jugé trop gros en revanche, le pictogramme souhaité par la ministre de la Santé Agnès Buzyn qui vise à alerter les femmes enceintes sur la consommation d’alcool. Le Figaro vient, à ce titre, de publier une tribune signée par 64 “Grands crus” issus de l’ensemble des terroirs viticoles français qui stipule entre autres : “Il nous est impossible d’accepter d’apposer sur nos vins des mentions qui nient la culture et l’histoire dont ils sont issus et qui nous associent à des substances interdites.” Les signataires de cette lettre dénoncent également : “la transformation d’un produit d’excellence distribué dans le monde entier en un bien délictueux à travers l’apposition de pictogrammes mortifères sur les femmes enceintes et les mineurs (…) À moins que le but que vise à terme le gouvernement soit d’obtenir la suppression de toute consommation d’alcool en France”.
Un nouveau bras de fer s’annonce donc entre la filière viticole et le gouvernement autour de ce logo dont la taille pourrait augmenter de façon significative en 2019 afin d’améliorer la visibilité du message sanitaire. Espérons, à ce titre, que sur nos bouteilles de vin, ce qui mentionne l’interdit ne l’emporte pas sur le nom du produit.

Jean-Paul Pelras

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